Florian Zeller


Romans, livret d'opéra, pièces de théâtre, court-métrage, paroles de chanson de Christophe... L’écriture de Florian Zeller épouse désormais toutes les formes. Serait-ce un moyen de ne pas se lasser de sa propre écriture ? Comme une jolie femme à laquelle on achèterait plein de jolies robes pour ne jamais s'ennuyer d'elle ?

Il attrape la question en écarquillant les yeux, tant les choses n'ont pas été calculées. Il s'agit au contraire d'aventure, de rencontres, du fait d'être disponible à un moment donné. Prenons l'exemple du livret d'opéra, c'était Françoise Sagan qui devait l'écrire mais ne pouvant le faire, elle a recommandé Florian Zeller. Puis la rencontre avec les acteurs (Gérard Depardieu notamment jouait dans cet opéra) lui a donné envie d'écrire pour le théâtre. L'enchaînement des événements semble si facile quand il en parle...
Aucun calcul non plus dans l'aventure musicale. C'est avant tout la rencontre avec Christophe, un artiste qu'il admire. Il n'éprouve aucun complexe à admirer. "Pour moi, admirer, c'est élever l'objet de l'admiration et celui qui admire."

Le hasard, donc, à chaque fois? Ne peut-on y voir une entremise du destin?

Le mot "destin" ne lui plait pas. Il ne pense pas que la vie ait un sens mais qu'il appartient à chacun de lui en donner un, à dimension seulement esthétique. Le roman, est l'endroit rêvé de cette fabrication de sens. Florian Zeller reprend l'exemple d' "Anna Karénine" : elle se donne la mort sous ce train, à l'endroit même où, au tout début du roman, le drame entre dans sa vie (quand elle aperçoit Vronski en descendant du train et qu'elle s'éprend de lui). On pourrait dire que c'est une vraie composition romanesque (composition circulaire et presque parfaite) et que ça ne correspond pas à la vie... Mais le roman, parce que c'est un art du montage et du détail permet justement de faire apparaître ce genre de coïncidences et de rapprochement. A l'inverse, le roman pourrait reprocher à l'individu de ne pas être assez réceptif à ces coïncidences quotidiennes et de se priver ainsi de la dimension esthétique de sa propre existence.

Son maintenant, c'est le théâtre... Florian Zeller reviendra-t-il au roman?

Il continuera à écrire des pièces jusqu'à éprouver la douleur de ne plus y arriver. Quand il évoque le théâtre, la lumière de ses yeux s'allume... et c'est la couleur de son regard qui s'offre à vous : l'éclat du soleil qui se mire dans une flaque d'essence. Bleu pétrole. Il parle de "vertige sans fin", de la "puissance incroyable" du moment des répétitions, du "très condensé de la vie" que l'on retrouve dans le théâtre.
Mais le roman reste son horizon. Cela va faire trois ans qu'il n'en a pas écrit ; il l'accepte car il en connaît la raison : il n'a pas envie d'écrire un roman pour les autres. Son prochain roman sera la somme de ce qu'il est aujourd'hui.

Est-il en train de l'écrire?

A chaque fois, le passage à l'écriture du roman s'est effectué différemment. Pour La Fascination du Pire, il avait l'impression que le livre était déjà écrit, qu'il était "à sa disposition", comme un objet que l'on devine dans la terre : il suffit juste d'être patient et de l'extirper. En revanche, pour les autres livres, le jeune écrivain avait plus l'impression de les écrire pour voir ensuite ce qu'il y avait dedans!
Pour ce dernier roman, c'est différent. Il le traîne avec lui depuis des années, il est dans sa tête. Il en profite alors pour faire une jolie œillade à Racine :
"Je l'ai fini, il ne me reste plus qu'à l'écrire."


Le romancier Zeller écrit toujours de la fiction. Est-ce pour se protéger du fantasme du lecteur, qui cherche toujours la vérité de l'auteur dans ses lignes?

Il y a toujours une part de soi dans le livre vous répond-t-il. La fiction et les confessions sont seulement deux travaux différents. Ainsi, même s'il s'agit de fiction, "je n'ai jamais déserté ce que j'ai écrit". "J'ai l'impression de saturer toutes les phrases de ma présence". L'écrivain se donne "en pâture". Les gens cherchent ce qu'ils veulent dans le livre et ils trouvent ce qu'ils veulent. Donc la fiction n'est pas du tout une protection de soi. C'est toujours violent. En écrivant, on donne le droit d'être lu. En fait,
"la planque rêvée c'est d'écrire sans être publié."


Mais n'écrit-on pas pour être lu, reconnu, avoir des prix? Savoir ce que l'on vaut?

Le fait de recevoir le Prix Interallié ne l'a pas rassuré sur sa "valeur". Car quelle notation prendre en compte? Si on prend l'exemple du théâtre, on peut avoir une très bonne critique et une salle vide. Ou des critiques assassines et une salle comble. Alors, quelle note prendre en compte? Et ça marche aussi pour une pièce dont les critiques seraient mauvaises et la salle vide. A qui donner le droit de noter? D'après lui, il est important d'avoir un cercle de personnes que l'on estime et écouter leurs avis. Le reste est tellement parasité par plein de choses... le succès, la presse...
"L'histoire de l'Art plaide pour son incertitude."


Florian Zeller, quelle est pour l'instant l'œuvre pour laquelle vous voudriez qu'on se rappelle de vous?
"Pour l'instant, j'aimerais plutôt qu'on m'oublie."
Et il enrobe ses dures paroles d'un doux sourire.

Œuvres :
- Opéra : l'adaptation française en 2004 de Háry János de Zoltán Kodály.
- Chanson : le dernier album de Christophe "Aimer ce que nous sommes" (2008)
- Court-métrage : "Nos dernières frivolités" avec Sara Forestier et Aurélien Wiik
- Théâtre : L'Autre (2004), le Manège (2005), Si tu mourais (2006), Elle t'attend (2008). "Elle t'attend" a été adaptée en Australie (2009), "Si tu mourais" à Hambourg et Bucarest (2009).
Florian Zeller vient de finir l'écriture de sa nouvelle pièce.
- Nouvelle "Le commencement de la fin" (2008) (J'ai Lu)
- Romans : Neiges artificielles (2002), Les Amants du n'importe quoi (2003), la Fascination du Pire (2004), Julien Parme (2006). (Flammarion)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire