Bruno Putzulu

17h dans un café rue de Rambuteau. Bruno Putzulu se fait attendre. Une bière plus tard, il n'est toujours pas là. Essoufflé, il s'excuse. Journée chargée, gilet noir, yeux noisettes. En commandant son eau gazeuse, il explique qu'il revient d'une maison d'édition connue : ils veulent qu'il écrive un livre.
Le beau quadragénaire s'apprête-t-il à quitter les planches pour sa plume? « Je suis d'abord un comédien » et il ourle la simplicité de sa réponse d'un généreux sourire. Acteur, il a voulu l'être dès sa plus tendre enfance, quand pris dans la déferlante Bruce Lee, il allait tous les jours au cinéma regarder en boucle le même film. Petit à petit, l'ouvreuse l'a pris en affection et lui a fait découvrir d'autres films. C'est la flamme du petit garçon pour le cinéma qu'elle a fait danser. Cette même flamme qui s'est rappelée à lui quand lancé dans des études en Lettres Modernes, il décide du jour au lendemain de tout abandonner. Il lisait dans sa chambre d'étudiant « Mort à Crédit « de L-F Céline, puis arrivé en bas de page, il réalise qu'il a lu sans lire. Cet acte manqué suffit à lui faire changer le cours de sa vie. Il plaque tout et se lance dans la préparation du concours pour le Conservatoire National d'Art Dramatique. Il se rappelle avec tendresse de ces quatre années d'entraînement pendant lesquelles il n' était pas grand chose sinon un comédien en devenir qui s'égarait dans les regards empreints de doute de ses interlocuteurs. Non seulement admis, il a ensuite intégré l'illustre troupe de la Comédie Française.

"Acteur, c'est la meilleure chose que j'ai trouvée pour vivre"

Parce que le théâtre est un condensé de la vie, il permet de la vivre plus intensément. Les rôles, pour les différentes vies qu'ils incarnent, enrichissent la vie personnelle de l'acteur. "Il y a des personnes que j'ai réellement connues qui me manquent moins que certains personnages". En lui révélant des facettes de lui-même qu'il ignorait, le théâtre lui a aussi appris que l'on ne peut jamais se connaître. « Une vie ne suffit pas ». Quand il parle de l'homme marionnette du temps, ses yeux prennent alors la couleur de l'automne. Il efface brusquement son sourire. Bruno Putzulu est un nostalgique doublé d'un mélancolique. S'il rentre tous les week-ends en Normandie pour jouer au football avec ses amis d'enfance, encouragé par son père de 85 ans, c'est aussi pour lutter contre le temps qui passe. "Je suis un résistant" plaisante-t-il.

Il reconnaît que le seul point commun avec ses amis de toujours se résume désormais à la passion pour le ballon rond. Ailleurs que sur le gazon, ils n'ont plus rien à se dire. C'est le signe que le temps est passé, murmure-t-il dans la forêt de ses yeux. Le temps qui a aussi agrandi son univers professionnel : d'abord acteur de théâtre, il est maintenant acteur de cinéma et de télévision. Est-ce le même métier? Sans hésiter, il acquiesce.

« La seule différence c'est qu'au théâtre on vieillit moins vite »
. Il aurait pu jouer Sganarelle il y a dix ans, il peut le jouer aujourd'hui et il pourra le jouer dans dix ans.
Bruno Putzulu écrit aussi. L'écriture est venue par accident, après une conversation avec son ami Johnny Hallyday. Suite à une conversation entre les deux hommes un soir de vague à l'âme de la star, le chanteur a dit à l'acteur qu'il aimerait bien une chanson sur cet échange. Bruno Putzulu a répondu à cette innocente phrase par une nuit passée à écrire ce qui est devenu la chanson "Ma vie".

Son livre d'entretiens avec son ami Philippe Noiret, c'est encore le hasard qui l'a orchestré. L'été d'une rupture amoureuse, il n'avait plus envie de travailler et passait ses journées chez le couple Noiret. Leurs conversations sur le cinéma adoucissaient son quotidien. Puis un jour, l'idée lui vient de coucher tous ces beaux échanges sur du papier. "Ce qu'il y a de jouissif dans l'écriture, c'est que je peux écrire quand j'en ai envie, contrairement au théâtre où je suis soumis au désir de mon employeur". Le livre est sorti en 2007 et aujourd'hui un éditeur lui demande d'écrire un roman. Mais Bruno Putzulu n'envisage pas d'écrire pour écrire, il faut que l'écriture parte de quelque chose d'intense. "Avec Philippe Noiret, parfois je ne dormais pas de la nuit tant c'était fort."

Il joue, il écrit... et il chante aussi. L'acteur sortira un album en mai. Son sourire reste discret. Ce sera un album de chansons à texte.