Un dîner avec... Pom Klementieff


(crédit photo : Laurent Koffel)


Un restaurant avenue Matignon, des bonbons géants, deux urnes funéraires, une fausse bibliothèque, des noix de cajoux grillées à sec. La ravissante Pom Klementieff, qui s'apprête à jouer dans la suite de Pigalle La Nuit. Bientôt au cinéma le 2 mars dans la comédie Une pure affaire d'Alexandre Coffre puis dans le thriller Nuit Blanche d'Alexandre Jardin.
1H15 x 2.


C'est indécent ces amandes, elles sentent le poulet rôti... Y'a un truc addictif un peu !

Elle prend les artichauts poivrades, je choisis les ravioles de Saint Jacques. Deux belles assiettes.

En fait c'est un petit peu notre petit Noël à nous deu
x !Sur la carte, elle s'arrête sur l'appelation "pommes allumettes" pour accompagner le tartare.Ton premier souvenir culinaire ?

Le goût de la neige. Au Japon : je mangeais de la neige, dans la cour de recré, on faisait des batailles de boules de neige. Je me souviens du goût
que ça avait. Forcément, je n'ai pas passé mon enfance ici donc mes souvenirs sont plus exotiques : en Afrique je me rappelle du lait caillé que tu achetes et que tu manges dans du plastique. Ca avait un gout fermenté, acide, sucré, que je trouvais super bon. J'avais des caries tout le temps ! En fait j'allais tellement chez le dentiste qu'il m'avait meme offert une peluche, un chien jaune. Une fois j'ai perdu l'oreille du chien dans la cour de recré. J'avais passé la journée à la chercher partout, c'était horrible, je m'en voulais tellement. Puis j'ai recousu le chien sans l'oreille, avec mes petites mains. Donc d'un côté il avait sa jolie oreille et de l'autre coté c'était Frankenstein !

Avec ma tante, j'ai connu les plats français traditionnels: la daube, le rôti de boeuf, la palette de porc et les patates... Je sais faire la gelée de groseilles maison meilleure que chez Fauchon ! J'ai un souvenir ému : quand je rentrais de pension le
vendredi soir et qu'avec mon oncle on allait prendre le pain Poilane, qui sortait du four, frais, c'était croustillant et brûlant à l'extérieur et à l'intérieur la mie était fondante, comme si elle était vivante. Quand tu ouvres le pain, c'est comme un trésor. Le pain frais sortant du four avec du tarama fait maison ,tu peux mourir juste après...

Tu reviens de Montréal...

Oui et j'ai vu comment ils font la pâte à bagel : le bagel c'est vraiment le pain, c'est un art comme une baguette qui sort du four.
Je les ai embêtés, je rentrais d'une soirée et j'étais là à répéter "oh vachement bien les bagels" ! - La Parisienne !

Ici, on n'a pas la culture du 24 h sur 24, comme ça !

Ah oui ca c'est un vrai problème Aurélie, il faut faire quelque chose ! A minuit, la seule possibilité ici c'est un grec !

J'ai pas mal voyagé quand j'étais au Canada, j'ai fait plusieurs allers retours dont un de 24h pour voir
Andrew Simpson, celui qui a dressé les loups dans le film de Nicolas Vanier
, il a 22 loups...

Puis elle jette ses yeux de chat sur son téléphone portable, elle a quelque chose à me montrer. Elle me fait écouter le cri des loups,d
es 22 loups, juste après avoir mangé.

C'est très beau et très effrayant en même temps.


Certains loups sont plus craintifs que d'autres. Ils étaient adorables parce que j'étais avec le dresseur, en totale confiance. Un loup ne s'attaque pas à l'homme sauf s'il n'a pas mangé depuis très très très longtemps ! C'était dans un endroit paumé, on est allés dans un bar, et juste pour manger un hamburger, la fille me demande ma carte d'ide
ntité. Alors que je ne voulais meme pas boire, je voulais juste un hamburger ! Je n'ai pas l'air d'avoir quatre ans non plus ! Mais j'étais dans le coin bar et la fille prenait son job tellement au sérieux que si je ne lui avais pas donnée (la carte d'identité), elle m'aurait sortie du bar, je crois !


Et la nourriture, là-bas ?

Il y a pas mal de truc à la francaise... Tout y est "bigger". A Paris on trouve des touts petits paquets de chips, alors que là bas c'est l'inverse. Ma tante me cuisinait un truc : des crepes avec du lard et du sirop d"érable ! Sucré salé ! (sourire)

Tu cuisines ?

Je ne cuisine pas trop mais je vais m'y mettre. je fais des gateaux... miam c'est du beurre salé dans le petit pot ! Tu as remarqué comme les choses n'ont pas la meme saveur selon l'endroit et les gens avec qui tu les manges ? Souvent ma tante me cuisinait de bons petits plats et logiquement, je rapportais le plat dans un tupperware pour chez moi. Mais c'est nul chez moi ! Dans ton appart à paris, tu préfères manger un san
dwich jambon beurre !

Comme si en mangeant, on mangeait aussi un moment...

Hmmm, c'est fondant et tiède ces artichauts. Je les
ai pris, pour une fois que c'est écrit sans faute sur la carte.

Tu te verrais vivre au Canada ?

J'aime Paris, sa beauté évidente. Je suis heureuse, j'aime traverser la Seine au moment du coucher du soleil avec mon scooter. C'est comme si le temps s'arretait.
A Montréal, ce que j'ai préféré, ce sont les gens que j'ai rencontrés... des personnes exceptionnelles.

Elle goûte mes lentilles servies avec mon tou
rnedos de saumon :

Ca sent le feu de bois, ça donne envie de rajouter un pull presque !

Arrivent alors les desserts. Pom a pris les crèmes brûlées au chocolat.
Ave
c des yeux de petite fille, elle me propose de craquer le haut de la crème brûlée, du bout de ma cuillère.

C'est excitant de craquer la croûte !

Le dîner en détail, ici : http://www.selectionrestaurant.com/le-berkeley-resto.php

1H15 avec Nicolas Bedos


"Je suis un hyperactif provisoire"

Il a l'art de balancer les pires saloperies sans quitter sa poésie et son charmant sourire. En ce moment Nicolas Bedos est le regard ténébreux du PAF... Un coca zéro, un criterium à la main, interview.


Depuis notre dernière interview, un an s'est écoulé. Nicolas Bedos, si cette année mytho était à refaire vous la referiez ?

Oui ça a été beaucoup de gratification et pas mal de travail ! C'est très équilibrant, en fait, le succès. Avec
"Promenade de santé", j'ai été satisfait du travail que nous avons accompli. Je n'ai aucun regret : le spectacle a été conforme à mon rêve. J'avais connu pas mal de galères, monté des pièces qui m'avaient déçues, fait des concessions de castings... Là j'ai eu tout ce que je voulais. Et puis c'est un spectacle enfanté dans le plaisir. Et la considération qui va avec est agréable. Quand on est flippé et boulimique comme moi, ça donne le courage de continuer. Mais ça fait aussi peur, je vais prendre mon temps avant ma prochaine pièce, je veux faire ça bien.


Vous espérez un triomphe au moins aussi grand ?


Il ne faut pas courir après le triomphe. Il faut se demander ce qu'on a à dire. On me dit souvent que je travaille trop. C'est vrai. Mais il y a eu plusieurs années durant lesquelles on ne m’a pas permis de m’exprimer, alors aujourd'hui, j'en profite !


En ce moment cette énergie est polarisée sur la télé, vous faites une chronique tous les vendredis soirs chez FOG dans
"Semaine critique". Est-ce que la télé n'est pas en train de pomper votre énergie au détriment du théâtre ?


Les premières semaines, ça m'a tout pompé, oui !
Heureusement, j'avais commencé à écrire cet été. J'ai écrit beaucoup de téléfilms ces dernières années, je vais d'ailleurs bientôt jouer le mari de Julie Depardieu (ndlr dans un film qu’il a écrit pour Jeanne Moreau, Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, réalisé par Josée Dayan). Je fais un peu l'acteur car je souffre du syndrome du mec qui va perdre ses cheveux et qui profite d'être encore à peu près regardable !

Vous en êtes où de vos cheveux ?


Ils tombent, de façon significative ; je vais y remédier !


Vous envisagez des implants ?


Je vous en pose des questions ! Oui, sans doute, je n'ai pas envie d'avoir la tête d'Alain Juppé. J'assume ma coquetterie ; il faut qu'on ait une tête en adéquation avec ce que l'on est.


Et vous vous concevez chevelu...


Disons que je n'ai pas totalement renoncé à la séduction.


Vous faites tellement de choses qu'on a l'impression que vous vous rentabilisez au maximum !


C'est un mot terrible,
« rentabiliser » ! Non ! Mais je ne veux pas passer à côté de ma relative jeunesse. Quand j'aurai 50 piges, ça me fera des souvenirs.


Mais vous
n'avez pas peur de vous user avant 50 ans ?


Je suis un hyperactif provisoire. A un moment donné, il faudra que je freine. Je n'ai pas envie de courir toute ma vie, le mardi rendre ma nouvelle, le mercredi écrire un téléfilm, le jeudi rendre ma chronique, en plus des interviews…


Comme maintenant !


Exactement ! Ceci dit, ca a un côté psychanalyse, les interviews. Cet après-midi j'en ai fait une pour
Le Monde. C'est indécent de parler de soi... même si ça permet d’y voir plus clair. Mais je n'ai pas envie de vivre cette vie-là trop longtemps. Dans vingt ans je me vois romancier, metteur en scène de théâtre, peut-être un peu de cinéma, mais à un rythme régulier et plus sage.


Le cinéma ?


J’ai un projet avec la société de production d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Ce sera une comédie dramatique. Un "film d'auteur hollywoodien" – ce qui ne veut rien dire ! Je réfléchis à l'écriture d'un scenario tarantinesque avec des dialogues bergmaniens. Ce sera le délire d'un homme plongé dans plusieurs réalités, un film sur la paranoia et la précarité.


Vous écrivez beaucoup sur les troubles du comportement...


Oui, je ne suis pas l'homme le plus équilibré de la terre... Je m'inspire de ce que j'ai vécu.


Vous voulez dire que vous avez été « nymphomane, mythomane, paranoiaque et
toxicomane » ?


Tout à fait, un peu de chaque ! J'ai pioché dans les plats...! Mais je ne vais pas prétendre que je suis alcoolique, comme je l'ai lu ici ou là, ce serait prétentieux de ma part : je ne sors qu’une fois par semaine ! Mais les troubles du comportement ne me sont pas étrangers. Disons que de 20 à 24 ans, mes nuits ont été rock n roll !


La folie a donc quelque chose d'universel ?


Je pense. Beaucoup de gens se sont reconnus dans les personnages joués par Mélanie Laurent et Jérôme Kircher dans
"Promenade de santé", ça les a touchés même s'ils ne sont heureusement jamais allés aussi loin.


Alors on a tous des embryons de folie ?


Oui, nous sommes tous tarés dans de petites proportions.


Revenons-en à la télé où vous officiez actuellement.
Vous n'avez pas eu peur à un moment, vous, l'auteur et le metteur en scène fiévreux et talentueux, de vous « prostituer » ?


Je continue à me poser la question. Il est certain que ce genre d'exercice entame le mystère qu’un auteur devrait préserver : on n'a jamais vu Tennessee Williams faire le con à la télé tous les vendredis soirs ! Mais ça me fait connaître d’un public plus large et c’est nécessaire de se faire connaître. Ca me permet de monter plus facilement des pièces, des films. Après tout, les acteurs ne doivent pas avoir le monopole de la notoriété ! Et puis je n'ai pas à rougir de mes chroniques, je les revendique. Ca reste un véritable travail d'écriture. Après, est-ce que dans le regard du téléspectateur, je suis un écrivain ou un animateur... ? Je n'en sais rien. Ce qu'il y a de commun entre les deux, c'est le goût des mots, le travail sur la phrase. Et certains thèmes abordés.


Dans un article du JDD, le linguiste Pierre Merle dit que vous avez la
« vanne ultrabranchée »...


Disons que je dois faire une synthèse un peu étrange entre un plateau très littéraire, pointu avec des intellos et mon souci de causer aux gens de ma génération. Ca crée un mix. On m'a dit que je m'arrangeais toujours pour alterner une phrase poétique avec une phrase vulgaire. Ce n'est pas faux. Quand j'écris, je pense au public – un public idéal. Comme je sais que j'ai une tendance à la phrase alambiquée, poétique -voire pédante- au milieu j'insère une saloperie ! Ca me ressemble plus comme ça !


C'est le style "Nicolas Bedos" ! Il y a un verbiage chez vous, on a l'impression que vous goûtez les mots, que vous prenez plaisir à les prononcer...


Mon interprétation n'est pas travaillée, elle est ressentie. Je cherche une certaine musique, souvent je ne peux pas rajouter ni ôter le moindre mot car la phrase se tient ainsi !


Avec le récit de vos soirées et ces superbes filles auprès desquelles vous dites vous réveiller, vous entretenez le mythe...


J’invente à 80 %. Je ne prends même pas de coke ! C'est à la fois une fiction et une façon de couper court à la moquerie des autres, à leurs préjugés…


Vous préférez vous donner vous-même les coups plutôt que de laisser les autres le faire !


Ca a plus de gueule! C’est de la malice de ma part, et de la franchise. Comme dit Cyrano
:

«
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve"


Vous vous jouez des codes de la télé : allusion au prompteur, nonchalance, politiquement incorrect... Vous nous rappelez que vous avez été parachuté dans ce monde-là mais que vous avez un autre métier…


Oui ! Ce qui me rend plus à l’aise, c'est que je ne vis pas de ça, et encore moins pour ça. Donc si c’est mauvais, je disparais. Paradoxalement, ça m’offre un certain confort.


Il y a un an, on parlait de la peinture. Vous la gardez toujours pour votre sphère privée ?


Oui.


Ca vous vient d'où ?


Petit, mes parents m'avaient acheté ce gros bloc de papier avec deux crayons géants, je faisais des portraits, des caricatures. En classe, quand je m'ennuyais je dessinais. Donc je dessinais toute la journée! Là, je dessine.


Vous dessinez quoi ?


Un type mal dans ses pompes avec une moustache, à moitié chauve, et le regard très féminin.


Ca, c'est parce qu'on a parlé de cheveux tout à l'heure... Vous lisez quoi en ce moment ?


Le dernier Houellebecq, ce qui n'est pas original ! Ca ne me rend pas très heureux, ces pages. Je m'aperçois que je suis beaucoup trop romantique pour cette littérature. Les personnages ne s'aiment pas les uns les autres !


Votre humeur, là, maintenant...


Plutôt cool, détendu. Heureux d'avoir écrit mon truc pour vendredi et ma nouvelle pour l'Officiel. Je peux passer aux choses plus sérieuses !

C'est bon, vous êtes à jour, vous pouvez partir en week-end !

Non ! J'ai le film dont on a parlé et ma prochaine pièce qui est loin d’être aboutie !

Sur quoi la pièce ?

Ce sont des personnages qui se font passer pour d'autres, qui prennent de fausses identités. Le gardien d’une grande maison de vacances fait croire qu'il en est le propriétaire à une jeune touriste qui se fait passer pour une grande actrice alors qu'en fait c'est une paumée du village d’à côté. Ils se mentent tous entre eux, et à eux-même évidemment, ils ont envie d'être quelqu'un d'autre.

Ce sera avec qui ?

Théâtre et cinéma confondus, j'écris pour cinq personnes, Jean-Pierre Bacri, Catherine Frot, Jean Dujardin, Jérôme Kircher et Mélanie Laurent.

Fanny Salmeron


Crédit photo : Maëlle Henaff

"Cette fille, c'est un Noël qui n'arrive jamais"

Elle a la frange lisse et le regard bleu des poupées. Fanny Salmeron est l'auteur du roman Si peu d'endroits confortables paru chez Stéphane Million Editeur.

Voilà ce que vous pouvez lire sur la quatrième de couverture :
Il y a Hannah, qui erre dans Paris en écrivant à la fille qu’elle aime et qui est partie (mystérieusement dénommée *, ndlr).
Il y a Joss, garçon étrange aux cheveux bleus, débarqué dans cette ville inconnue pour oublier son passé.

Et puis un jour ils se rencontrent.

« Je ne sais pas si deux solitudes s’annulent, je ne sais pas si elles se consolent. Je ne sais pas si au contraire elles ne forment pas un vide encore plus grand.»
Rendez-vous en fin de journée sur une terrasse carrefour de l'Odéon le jour de la sortie du livre, le 3 juin. Deux Carlsberg. Quelques cacahuètes. Un accordéoniste.

On en apprend plus sur le livre en regardant la couverture ou en lisant la 4ème de couverture?

La 4ème de couverture c'est moi qui l'ai écrite donc je la trouve super chouette! Mais la couverture est formidable, je voudrais en faire des posters. Erwan Denis a été un génie. Quand on ne connaît pas l'histoire, on trouve la couverture jolie... on se dit "tiens pourquoi une balançoire, pourquoi un pissenlit"? Et une fois qu'on a lu le livre, chaque élément de la couverture prend une signification.

En fait, le personnage principal du livre, c'est la mystérieuse *... Elle est présente dans le livre par les lettres que Hannah lui écrit. Et finalement, elle résonne dans chaque page. Pourquoi l'appeler "*"? C'est presque religieux, comme si prononcer son prénom ce serait la blasphémer...

Lui mettre un prénom ce serait réducteur. Comme ça, le lecteur peut mettre le prénom qu'il veut à la place d'*...

On a aussi l'impression que prononcer le prénom d'*, ou l'écrire, ce serait la profaner.

Oui, elle a les yeux dorés, elle a un côté pas humain, elle est complètement sublimée par les yeux d'Hannah. C'est l'amour qui est comme ça, on n'aime jamais la personne telle qu'elle est mais toujours à travers ses propres yeux... donc l'être aimé devient quelqu'un d'irréel.


Vous alternez deux sexualités de l'écriture. Dans le livre on passe d'Hannah à Joss, le peintre aux cheveux bleus... Comment ça se travaille, vous avez une part masculine en vous?

Je pense qu'il y a surtout une part féminine dans Joss! Je ne voulais pas que les deux personnages soient trop proches l'un de l'autre, parce qu'ils n'ont pas la même histoire même s'ils ont la même souffrance. Que ce soient une fille et un garçon, ce n'est pas le plus important. Ca aurait pu être deux filles, ça aurait pu être deux garçons aussi.


Justement, vous arrivez à complètement désexualiser l'amour. Et en refermant le livre, on pourrait presque tomber amoureux d'un papillon...

Vous ne croyez pas si bien dire! Ca m'est arrivé de tomber amoureuse d'un papillon... J'avais huit ans, je faisais du vélo dans mon village en Ariège.

Qui s'appelle comment?

Je ne le dis pas, ça! "Petit village dans les collines"! Donc, au bord du chemin je vois un petit papillon renversé par une voiture. Un papillon mort. Il était très beau, orange et noir. J'ai voulu le ramener même s'il était mort, comme on ramasse un coquillage. Et en le ramenant j'ai constaté qu'en fait il était encore en vie! Mais qu'il était aveugle!

Comment on se rend compte qu'un papillon est aveugle?

Ca se sait quand un papillon est aveugle, enfin! Donc j'ai gardé Domino dans un coin du jardin, je lui ai donné pendant trois jours à boire de l'eau sucrée qu'il buvait avec sa petite trompe de papillon, il était très mignon. Un jour j'ai senti qu'il avait plus de force donc je l'ai mis sur une fleur, il a commencé à se nourrir directement sur la fleur et quelques secondes après il s'est envolé. Et là j'ai eu mon petit cœur complètement brisé.

Donc votre première histoire d'amour s'est finie tristement.

Ce n'était pas ma première, ça devait déjà être la 25ème! C'était une histoire d'amour impossible, ça vit très peu un papillon, si ça se trouve il s'est envolé et il est mort.

Hannah et Joss ce sont deux solitudes qui se frôlent tout le temps... Est-ce que deux solitudes peuvent s'aimer? A un moment Hannah écrit à son * qu'elle a besoin de quelque chose de plus doux, "juste les jolies lumières de l'amour élémentaire". Est-ce que l'amour réduit aux jolies lumières de l'amour élémentaire, c'est encore l'amour?

Pour moi non, pour Hannah non plus je pense. Évidemment, quand on est dans une histoire compliquée on veut quelque chose de simple - comme quand on a les yeux bleus et qu'on veut les yeux noirs. Ce n'est pas vraiment de l'amour, une histoire simple. Mais c'est ma vision de l'amour et chacun a la sienne. Moi, j'ai une vision pessimiste de l'amour.


Le récit est très ancré dans Paris. Joss découvre la ville et il dit "Paris est minuscule et sa moquette est trouée". Hannah connaît la ville, elle l'aime mais sans son *, elle trouve que la ville ressemble à un marécage... Paris, c'est l'endroit idéal pour désespérer?

Paris ça peut être sublime et désespérant. C'est minuscule et immense à la fois. Quand on est triste on peut aller déambuler des heures dans Paris et si en plus il pleut c'est génial. Par exemple, cet homme qui joue de l'accordéon sur la place, quand on est heureux, on peut trouver ça joyeux, typique. Et quand on est triste, ça donne juste envie de pleurer. En ce moment je suis super sensible. Tout à l'heure il y avait une affiche d'un chien perdu, j'ai failli pleurer. Paris, ça peut être super triste.

Paris, en fait, c'est le réceptacle parfait des sentiments, même une sorte d' amplificateur...

Exactement.

Le manque est très présent dans le livre... Il y a cette phrase sublime "Oui, tu me manques comme quand le soleil se cache derrière les immeubles, parce qu'après tout, il continue de faire jour". Plus loin Hannah dit qu'il y a plusieurs solutions au manque mais pas de remède à l'absence... Joss, c'est sa solution au manque? C'est peut-être Joss finalement l'endroit confortable...

Oui, il est naïf, plein d'amour...

Pour le lecteur : Un bus se gare et nous cache le soleil.

Ah ben voilà, c'est ça le manque, un bus nous cache le soleil et il continue de faire jour!

Ca ne pouvait pas mieux tomber dans l'interview! Je vous assure que je n'y suis pour rien!

Joss pense qu'il peut être une solution au manque. C'est obsessionnel le manque d'* pour Hannah. Le manque d'* c'est encore elle. Avec Joss, il continue de faire jour. Il est parfait ce garçon. Il la comprend, il a le même vide.


Vous venez de dire que le manque d'*, c'est encore elle. Cette façon qu'Hannah a de se draper dans le manque d'*, c'est faire survivre cet amour déjà mort sous respiration artificielle...

Oui, lui écrire c'est la faire exister. Elle essaie de faire son deuil par le refus du deuil. C'est le premier palier du deuil.


Hannah écrit à * qu'elle ne lui a pas appris le silence... Elle ne sait pas se taire...

Non parce que se taire c'est accepter le silence des deux côtés. Elle s'imagine qu'* pense à elle aussi.


Finalement est-ce qu'elle n'éprouve pas du plaisir dans ce manque?

Je pense que c'est beaucoup moins douloureux que de prendre la décision de passer à autre chose. C'est un palliatif. Comme quand on arrête une drogue et qu'on en prend une autre pour essayer d'arrêter. Je ne prends pas de drogue!


A un moment Joss et Hannah retournent dans l'ancien appartement d'* et d'Hannah, vous écrivez "Le temps s'est arrêté dans cet endroit. Ca ressemblait à un 24 décembre scellé dans l'éternité". Le cœur d'Hannah aussi, c'est un 24 décembre scellé dans l'éternité?

C'est joli, ça! Le 24 décembre, c'est l'excitation, l'attente, le désir du lendemain. Et ici, *, cette fille, c'est un Noël qui n'arrive jamais.


Il y a une technique dans le livre pour surmonter la peur des araignées. Joss dit à Hannah "Quand on a peur de quelque chose il faut l'imaginer avec une casquette. Une araignée dans la chambre, je lui mets une casquette et je la trouve sympa". Je l'ai confiée à ma mère, ça marche! La dernière fois que vous avez mis une casquette sur quelque chose, c'était sur quoi?

Moi, je ne le fais pas ça en fait! J'ai peur des requins. Un requin avec une casquette, c'est juste super effrayant! C'est encore plus effrayant en fait!


Revenons-en à *. Elle est quand même très cruelle. Elle quitte Hannah du jour au lendemain avec un Anglais qui sent le lendemain idéal... Je ne sais pas si on espère qu'elle revienne mais au moins, on s'attache à elle... L'amour c'est le syndrome de Stockholm avec vous!

Oui, c'est aussi la stratégie de l'échec. Je pense qu'* est partie parce que ça devait être insupportable de vivre avec Hannah. Être avec quelqu'un qui t'aime absolument, ça peut être terrible. Je ne sais plus qui a dit "Aimer quelqu'un qui vous aime aussi c'est du narcissisme, aimer quelqu'un qui ne vous aime pas ça c'est de l'amour".


C'est Frédéric Beigbeder!

Zut, alors!


Hannah écrit "Si peu d'endroits confortables" partout dans Paris. Et puis finalement tout le monde s'en empare. Hannah a alors peur que son désespoir devienne celui de tout le monde... Vous avez la même peur avec ce livre?

Non.

Moi, j'ai pleuré!

Oui, plusieurs personnes m'ont dit ça. Déjà je trouve ça fou. Je ne veux pas que les gens pleurent!

J'ai vu qu'un buzz se créait sur internet autour de cette phrase... Elle ne vous appartient déjà plus!

Oui, ça a été lancé sur Facebook. Plusieurs personnes se sont pris au jeu, il y a des situations drôles. Cette phrase touche les gens de différentes façons, tout le monde peut y mettre ce qu'il veut. C'est ouvert comme phrase.


Parmi ces photos, une qui vous vient à l'esprit?

Celle où il y a un pigeon mort et aussi celle du bébé qui tète sa mère avec écrit "si peu d'endroits confortables" sur le sein. Ce sont un peu les deux extrêmes!

Quand j'ai refermé le livre, il m'a laissé l'arrière-goût de la pluie. La pluie est très présente. Il y a cette phrase "J'essaie de me souvenir de ton visage, et c'est la couleur de la pluie qui me vient"...

Il pleut tout le temps dans ce livre! Il n'y a pas d'espoir dans le ciel de Paris, enfin dans cette histoire.


Je suis tombée sur une strophe d'Aragon qui m'a fait penser à votre livre : 
"Ce qui s'est envolé là comme un oiseau bleu
A laissé dans mon cœur une sorte d'abime
Je ne suis qu'une rime qui cherche une rime
Comme une main qui s'ouvre en vain à la pluie"
Joss, c'est la main qui s'ouvre en vain à la pluie?

Oui. Hannah aussi. Tous les deux ce sont des mains qui attendent la pluie et qui là du coup ne vient pas. Joss attend la pluie qui serait l'amour d'Hannah, le pardon,... il cherche beaucoup de choses, Joss. Et Hannah tend la main vers * qui n'est plus là. Elle est belle cette strophe!


Hannah a un remède contre la pluie, elle dit que quand il pleut il faut boire quelque chose avec des glaçons; elle dit que c'est scientifique, les gens ont bien des glaçons dans leur verre au bord des piscines.

C'est vrai que ça marche, les gens ont des glaçons dans leurs verres! Là-bas je vois un Ricard avec des glaçons. On ne va pas citer le nom de ce Monsieur qui boit du Ricard à trois heures de l'après-midi!


C'est ça le livre, des passages sublimes, des phrases qui font pleurer et qui sont entrecoupés de ce genre de fantaisie... Cette poésie de l'enfance...

Je trouve que l'enfance ce n'est pas du tout poétique, c'est très cruel. C'est de la frustration et de la colère. Hannah ce qui la sauve c'est cette part d'enfance. Chez elle c'est léger et c'est ce qui la sauve de tout. Ces petites folies qui l'empêchent de sombrer dans la vraie folie.


Vous faites des lectures de vos nouvelles, bientôt de votre livre le 12 juin (chez Gals Rocks, ndlr). Vous prenez goût à donner une troisième dimension à votre livre?

La première fois que mon éditeur Stéphane Million m'a demandé de lire, je voulais dire non, je me suis demandé pourquoi, c'était parce que j'avais peur. Ce n'était pas une bonne raison. Donc j'ai lu. Quand on écrit on ne sait pas comment les gens réagissent quand ils lisent. Pendant la lecture, je ne vois pas les gens parce que je lis mon texte mais il y a toujours un silence qui se fait, et alors les petits bruits dans la salle ça fait comme des bruissements de feuilles comme dans une forêt ; les gens sont réactifs. Et après certaines personnes viennent te parler juste après. C'est dans l'immédiat. C'est ça qui est addictif, le retour direct des gens. Je ne suis pas une rockstar de la lecture mais il y a toujours une atmosphère qui se crée.


Vous avez déjà écrit plusieurs nouvelles, vous envisagez un recueil de nouvelles?

Pourquoi pas, j'aime bien les nouvelles. Ecrire une nouvelle c'est comme peindre un petit tableau ou faire un puzzle pour enfants avec dix pièces. Alors que pour un roman, il y en a 500 000!


Dans le Figaro, Mohammed Aissaoui évoque une "écriture fiévreuse". C'est vrai qu'il n'y a pas de temps mort. Vous travaillez cette épure de votre écriture? Le livre pourrait faire beaucoup plus de pages qu'il n'en fait.

Quand j'ai envie de dire quelque chose je le dis directement, je n'arrive pas à diluer. C'est d'avoir écrit un blog pendant très longtemps, sur des instants, des images, je pense que j'ai gardé un peu ce phrasé de blog. Un peu comme une photo. C'est pour ça que la nouvelle me va bien, dans une nouvelle, chaque phrase est écrite pour quelque chose.

Vous travaillez sur un prochain roman?

Oui. J'essaie de prendre plus mon temps dans ce roman, il y aura plus de personnages, il n'y aura pas de "je".


Ce sera sur quoi?

Sans doute une histoire d'amour tragique. C'est forcément une histoire d'amour si c'est une histoire. Et c'est forcément tragique si c'est une histoire d'amour. Donc c'est une histoire d'amour tragique.

Le serveur casse un verre.

C'était beau! J'adore ça, le bruit du verre brisé! D'ailleurs chez moi je n'ai plus de verres, je les ai tous cassés. Du coup, je bois à la bouteille.


Tribune libre : vous pouvez parler de ce que vous voulez.

On pourrait parler de ma sciatique. Ou de lui, regardez, avec son beau costume, il est beaucoup trop classe pour elle. Elle, on dirait qu'elle s'est habillée pour aller au camping. Enfin, le restaurant du camping.

Je pourrais parler du Carrefour de l'Odéon qui pour moi est un endroit très confortable. Alors qu'en fait c'est très désagréable, ça sent mauvais, il y a le bruit des voitures, les gens parlent fort, tu es servie quand les serveurs te voient donc jamais, et il y a cet arbre que j'adore et dont je ne sais toujours pas le nom. Il y a la boutique de robes, ma boutique préférée au monde. Tous les gens que j'aime passent ici à un moment de leur journée.


C'est minuscule et c'est immense en même temps!

Oui! C'est un endroit où je me sens très en sécurité alors que franchement, c'est très dangereux. Une fois j'ai failli me faire écraser ici!



Le site du roman : http://www.ilyasipeudendroitsconfortables.com/



Raphael Personnaz


« Acteur, il faut savoir faire le vide de soi pour faire pénétrer un autre. »

Arrivée en retard, il m'attend à la terrasse de son café favori place de la Contrescarpe, un demi de Stella devant lui. Raphaël Personnaz a les yeux opalescents, le sourire franc. Le dernier film dans lequel il joue, La Princesse de Montpensier, a très bien été accueilli à Cannes et sa prestation fortement et unanimement appréciée des critiques. Rencontre avec l'acteur une semaine avant qu'il aille s'entraîner en Bretagne avec les forces spéciales pour le film éponyme de Stéphane Rybojad avec un très beau casting : Diane Kruger, Benoît Magimel, Denis Ménochet et Djimon Hounsou. Une conversation d'un peu plus d'1h15...

Revenons rapidement sur Cannes... C'était votre premier festival... Est-ce que ça change quelque chose pour la carrière d'un acteur?

Clairement oui, je ne m'attendais pas à ça du tout. J'étais très nerveux avant. Et puis le jour J, à la conférence de presse du matin, j'ai compris qu'il se passait quelque chose de bien, que le film avait été bien apprécié, mon personnage aussi. Et puis, surtout la projection le soir... Les vibrations de la salle quand elle applaudit, je n'ai jamais ressenti quelque chose de pareil. Ensuite ça a aussi un effet sur la carrière. Moi qui viens du théâtre, de la télé, là d'être un personnage dans le film de « mon maitre » Bertrand Tavernier, ça apporte une légitimité. Je suis déjà en train de lire des scénarii qui m'ont été proposés à Cannes.

Et il y a des propositions qui vous plaisent?

On est en train de faire le tri...

Donc il y en a beaucoup...

L'avantage que j'ai, c'est que personne ne me connait et là je débarque dans un film de Bertrand Tavernier. C'est plus facile d'être bon acteur avec une partition pareille. Et puis j'ai eu de la chance, le rôle n'était pas pour moi à l'origine, je l'ai eu à trois semaines du début du tournage.

Oui, il était pour Louis Garrel... Vous deviez jouer dans le film mais un rôle moins important et subitement vous devenez le duc d'Anjou. Vous avez de la chance comme ça, en général?

Non, justement, je n'ai jamais de chance d'habitude. L'année dernière je devais faire une comédie musicale au cinéma, mais pour des raisons de production, ils ont choisi un autre acteur que moi alors que j'avais déjà commencé à m'entrainer. Ca a été assez violent. Ce devait être pour octobre. Déçu, je suis parti en vacances en août et je suis revenu le premier septembre. Je me souviens très bien, je disais à mes proches « si d'ici décembre je décroche pas quelque chose de fou, j'arrête ». Et dix jours plus tard, je me retrouve à faire une lecture dans le bureau de Tavernier et une heure après il me dit « je te confie le rôle du duc d'Anjou »...
L'autre chose amusante c'est que notre rencontre a débuté sur un mensonge total. Quand Tavernier m'a confié le petit rôle que je devais avoir au départ, une des conditions c'était de savoir monter à cheval. C'est la première question qu'il me pose. Je lui ai dit oui avec un gros aplomb, alors que pas du tout.

C'est ça le problème avec les acteurs, ils mentent très bien!

Disons qu'il le faut parfois! Entre temps j'ai été m'entrainer. Et enfin j'ai pu lui avouer à Cannes que je lui avais menti. Il m'a dit que j'avais très bien fait. Je me suis senti mieux.

Donc vous croyez au destin maintenant? Il fallait tirer la sonnette d'alarme, dire « si rien ne se passe, j'arrête »?

Oui, je pense vraiment que c'est important. Ce n'était pas par aigreur, c'est bien de réaliser aussi que d'autres choses sont possibles. J'avais plusieurs autres projets. Enfin toujours un peu dans ce domaine. L'écriture, la réalisation... Et puis, surtout - ça peut paraître surprenant mais c'est une petite passion que j'ai - l'huile d'olive. Mon idée c'était de monter une petite boîte, j'avais déjà le nom, je ne vais pas le dire parce que le nom était mortel. L'idée c'était d'importer des huiles de Grèce, Italie et Corse. Donc j'avais mes projets et le reste n'était pas bien grave, s'il arrivait un truc, c'était seulement du bonus. C'est important de lâcher prise dans sa tête. Alors quand j'ai fait la lecture avec Tavernier, j'ai réalisé la chance que j'avais, je me suis dit, prends-le comme tel après tu verras.

Vous évoquiez la réalisation, vous vous y êtes déjà frotté dans un court-métrage, Une virée... C'était sur quoi?

La fratrie, une relations entre deux frères. C'est un sujet qui me passionne. J'ai encore une petite boîte de production avec l'actrice Lolita Chammah, on avait financé son film aussi. C'était intéressant de voir la difficulté pour faire un court-métrage, le financer, motiver les gens. Ca rend humble par rapport au reste du métier.

Derrière la caméra, on apprend sur le métier d'acteur?

Oui, on apprend surtout à ne pas être chieur! A comprendre tout le boulot en amont et en aval.

Vous y retournerez?

Oui, un jour ou l'autre. Pour l'instant j'ai des trucs à raconter mais je ne sais pas encore comment les articuler. J'attends.

Dans le film de Tavernier, vous jouez le duc d'Anjou. J'ai lu que vous vous étiez beaucoup documenté sur lui. C'est important de saisir la psychologie du personnage?

Pour un personnage historique, dans un siècle très particulier, j'étais obligé de comprendre les codes de l'époque. C'est un type qui à 23 ans est confronté à des responsabilités hallucinantes, il a quand même la charge de la France. Ca m'a aidé à cerner la psychologie du personnage. Sa seule défense face à tout ça, c'est l'ironie, l'humour. Et c'est aussi sa prison. Car quand il s'agit d'être sincère, de révéler ses vrais sentiments, on a plus de mal à le croire.

Jouer un personnage qui a déjà existé, ça rend moins libre le jeu d'acteur?

Ce n'est pas Edith Piaf non plus! Tout le monde n'a pas une image nette de lui. Ceux qui le connaissent un peu évoquent tout de suite le duc d'Anjou et ses mignons... ce qui est totalement faux. Il fallait tordre le cou à toutes ces légendes. Dans l'écriture, il y a tellement de fantaisie que je me suis amusé avec ce personnage comme rarement. Cette ironie qui le fait parfois passer à quelque chose de très sincère... C'est un peu un Edouard Baer. Je l'avais vu lire un texte de Modiano... On a tellement l'habitude de le voir volubile que là il en était bouleversant. C'est un peu pareil, le duc d'Anjou, il a une très grande vivacité d'esprit et en même temps il est profond.

Tavernier dit de vous « Dès le premier plan qu'on a tourné, il avait l'ambiguïté, l'aisance, le charme, la culture du personnage. Il sait passer insensiblement d'un sentiment à l'autre, de l'ironie mordante à la sincérité. »(Le Monde 10 mai 2010).
Raphaël Personnaz, vous êtes un caméléon?


Quand j'avais lu ça, j'ai chialé, je lui ai écrit une lettre pour le remercier... Caméléon, j'aimerais bien! Tous les acteurs que j'admire, c'est ceux qu'on ne reconnaît jamais, les Viggo Mortensen, les de Niro capables de prendre 40 kilos pour un rôle, de devenir taxi alors qu'il venait de gagner un Oscar... Moi c'est ça que je trouve intéressant, pénétrer dans un univers qui n'est pas le sien et s'y plonger totalement... J'aime bien jouer tout ce qui n'est pas moi, parce que ça n'a pas grand intérêt de jouer un mec qui boit des coups place de la Contrescarpe! Enfin je crois.


Comment fait-on en tant qu'acteur pour rendre fluides des dialogues aussi datés? Est-ce qu'il faut faire oublier les costumes?

Ce texte pour moi c'est plus facile qu'autre chose. C'est tellement riche comme langue et précis dans les sentiments que ça exprime... Après les costumes, c'est une question typiquement française. Pour moi, c'est comme si on demandait à un réalisateur américain : « est ce que vous pensez que votre histoire qui se passe dans l'Arizona peut toucher un Français? ». Les sentiments du film ne sont pas datés : l'amour, la haine, la violence. Ce qui est fort avec Tavernier c'est qu'il ne t'installe jamais, tu dis un texte super émouvant et il va faire exprès de faire passer une poule entre tes jambes à ce moment précis!

Justement, quel est votre rapport personnel à la langue?

Mon rapport personnel à la langue?!

Vous avez commencé au théâtre, l'endroit de la langue bien parlée...

Mon personnage, le duc d'Anjou, apporte avec lui l'art de la conversation. A partir du moment où on arrive à mettre des mots précis sur des émotions précises, on arrive à canaliser la violence. Aujourd'hui, on est un peu dans cette perte de la précision du langage et à partir de ce moment-là rejaillit la violence...

Donc vous trouvez que la langue française de maintenant est un peu malmenée...

Il y a quelque chose de très intéressant que Jean Cosmos a dit à la conférence de presse. Souvent on entend dire des producteurs que les dialogues sont trop écrits. S'ils sont trop écrits, à quoi bon les écrire, alors? On a tendance à considérer que notre génération ne sait pas parler ou de façon caricaturale au cinéma. Je pense que s'il y a un métier qu'il est important de conserver, c'est dialoguiste.

Tout à l'heure vous évoquiez vos projets d'écriture...

Oui, j'écris, mais que ce soit par l'image ou le dialogue, je suis encore trop « vert » pour ça.

En fait, il faut juste vieillir...

Oui, il faut vivre, se balader, voyager et en tirer quelque chose.

En ce moment par exemple vous lisez quoi?

Là je lis un livre sur les techniques de tir des snipers et sur l'histoire secrète des forces spéciales. Donc c'est un peu particulier. (ndlr pour le film Forces spéciales) Et on vient de m'offrir un livre Le meilleur des mondes.
J'aime beaucoup les biographies, les essais politiques et -ça fait vraiment connard de dire ça mais c'est vrai - les vieux écrits philosophiques : Sénèque. C'est ma passion. J'ai lu un article qui disait que c'est parce qu'il n'y a plus cette philosophie antique qu'est apparue la psychanalyse.


Comment vous en êtes venu à Sénèque?

J'ai un frère qui est un peu ma tête! Et puis j'aime bien choisir les livres, en flânant dans les librairies, en me fiant aux quatrièmes de couverture...

Je fais ça avec les couvertures!

Moi aussi... Et les titres aussi de livre parfois suffisent. La Délicatesse de Foenkinos, par exemple, le titre m'a immédiatement plu.

J'ai une question intelligente : vous vous êtes percé les oreilles pour le film?

C'est la question essentielle, vous êtes la première à me la poser! Oui, je me suis fait percer l'oreille. Ca et la moustache, j'avais un petit côté Magnum pendant trois mois! C'était très laid quand même cette petite boule chirurgicale en argent.

Mais d'après ce que je vois, ce n'est pas encore rebouché!



C'est bien, ça fait le mec qui a eu plusieurs vies!

J'ai lu que vous étiez conscient d'avoir une image trop lisse, j'ai presque eu l'impression que vous regrettiez de ne pas être abimé par la vie... Vous êtes impatient de vieillir?

Oui je pense que tu deviens bon acteur à 50 ans. Et puis mon image, honnêtement, j'en ai rien à faire. On m'a tellement dit que j'avais un visage trop lisse, c'était presque « va te foutre à l'héroine, et reviens quand t'auras une bonne tête ravagée ».

Il faut avoir une gueule?

En France peut-être. Ca remonte aux années 80, ils allaient chercher les mecs dans la rue parce qu'ils en avaient marre de voir des têtes de minets. Après je pense qu'il faut de tout au cinéma. Le nombre de rôles que j'ai dû refuser tels que « Le personnage s'appelle Matthias, il a 25 ans, c'est le gendre idéal »... Ca n'a aucun intérêt. Donc a priori on me colle là-dedans, mais heureusement il y a des personnes qui me proposent d'autres choses.


Vous avez commencé au théâtre, vous comptez y retourner?

Oh oui, la dernière pièce que j'ai jouée c'était il y a trois ans avec Hélène Vincent, une grande dame. Le cinéma, ça fait six ans que j'y suis et je suis persuadé qu'on ne peut pas être un grand acteur si on ne passe pas par le théâtre à un moment. Tous les soirs rejouer la même chose, sentir un public devant soi, essayer de le prendre pendant une heure et demie, deux heures.


C'est plus violent qu'au cinéma, on n'a pas la caméra qui protège...

Je ne me sens pas protégé par une caméra. Au théâtre je me sens à la maison, ça fait prétentieux mais je me sens bien.

Ca a commencé comment?

Depuis que j'ai douze ans. J'étais amoureux d'une fille, je savais qu'elle était dans un cours de théâtre, j'avais supplié ma mère pour y aller. La prof m'avait dit, tu reviens la semaine prochaine avec un texte et tu le fais sur scène. Je voulais tout lui montrer à cette fille, le seul problème c'est qu'entre temps, la fille est partie, elle ne devait vraiment pas s'intéresser à moi. Donc j'ai pris le monologue du nez de Cyrano... - le mec qui n'a pas peur, il s'attaque à un sacré morceau. Et sur le moment je me suis dit « c'est ça que je veux faire".

Pour le duc d'Anjou, vous avez très bonne presse, dans les articles, c'est souvent votre prestation qui est retenue...

Mon but ce n'est pas d'être connu mais reconnu. Après je me souviens que quand je n'avais pas encore le rôle, mais mon rôle secondaire, au moment où j'avais lu le scénario j'avais trouvé celui du duc d'Anjou magnifique. Il n'est pas tout le temps là mais à chaque fois qu'il apparaît, c'est fort. Moi j'ai juste joué la partition. Les prix de meilleurs acteurs, pour moi ça ne veut rien dire, il n'y a pas de meilleur acteur mais de « meilleur rôle ».


Vous jouez un mignon dans Rose et noir, là vous êtes le duc d'Anjou, un personnage un peu efféminé... c'est difficile de trouver sa part de féminité?

Je suis un peu abonné à ce genre de rôle. Il y a six ans l'humoriste Didier Bénureau dont j'aime beaucoup l'humour noir, m'avait confié le rôle d'un transsexuel, je m'appelais Jessie.

Il y a aussi le court-métrage contre l'homophobie où vous jouez « Fusion man » (ndlr un super héros homosexuel)... Comment se travaillent ces rôles?

Ce n'est pas simple. Par exemple, je vais dans une piscine où il y a un type qui est la caricature totale de l'homosexuel et quand il commence à parler de sa vie, c'est cela qui me bouleverse et me trouble. Tout l'humour qu'il a pour lutter contre toute la dureté que lui a apporté la vie. Ca me fascine. Même pour ce personnage de Fusion Man, il a son image de super héros super viril et de temps en temps sa part féminine le reprend. J'adore ça, cette contradiction entre l'image qu'il veut renvoyer et ce qu'il est.

Vous recherchez les nuances...

Oui, j'adore. La carapace qui craque. Pour tous les personnages, pas seulement les efféminés. C'est ce que je trouve beau, il faut toujours tirer ses personnages vers leur humanité. Ce qui est important c'est de voir l'énergie qu'un homme met à faire quelque chose, à transformer ses faiblesses en force.

De passer du duc d'Anjou tout en panache à un sniper introverti dans Forces Spéciales, ça fait du bien?

J'aime bien faire des personnages intelligents, ça flatte l'ego. Faire un mec plus secret, qui ne parle pas, ça va être plus difficile. Je pense qu'entre chaque prise, je vais me déverser sur les autres! J'ai besoin de parler.

Ca va se passer comment, vous allez vous comporter comme un moine même en dehors du tournage?

J'ai besoin de déconner, c'est ma façon de me concentrer. Avec Tavernier, c'était comme ça, on faisait les choses sérieusement mais sans se prendre au sérieux. Un peu comme des gamins qui jouent.

Vous allez tourner au Tadjikistan?

Dès septembre, au Tadjikistan, à Djibouti et dans les Alpes. Et avant, donc dès juin, on va s'entraîner avec les forces spéciales. Tous les comédiens vont partir ensemble, donc plongés dans des conditions extrêmes, le groupe va se créer tout seul, il n'y aura rien à jouer. J'avais fait un film La première fois que j'ai eu vingt ans, c'était un groupe de musique et le fait d'avoir répété avant a fait qu'on n'avait rien à jouer au niveau de la complicité. Là ça va être encore plus extrême.

Vous jouez un sniper... quelle est l'histoire?

Six hommes des forces spéciales vont libérer une journaliste otage des talibans en Afghanistan jouée par Diane Kruger. Le sniper, j'ai remarqué que c'est toujours la même psychologie, c'est un loup, très solitaire et qui a à sa charge une responsabilité énorme. Il y a une notion de sacrifice incroyable et ils ont un pouvoir de vie et de mort. Il y a tout un truc sur la respiration et leur arme. Ils la chérissent en étant conscient que c'est un instrument de mort. On m'a filé une réplique de l'arme et on m'a dit de dormir avec. Il faut toujours que je sache où elle est.

De quelle arme s'agit-il?

Un M15A4.

C'est un rôle important...

Ce type-là est considéré comme un bleu par les autres. Il est tellement fort, assidu qu'ils décident de l'envoyer sur le terrain. Mais il est jeune pour avoir une responsabilité pareille. Il a toutes ses preuves à faire en même temps. Et tout ça il faut le faire passer en un minimum de mots.

Physiquement, vous travaillez quoi? L'endurance...

Oui, je cours dix bornes par jour, je vais bientôt faire des marathons et on va passer à la phase pratique des fusils. Je vais travailler la résistance au froid, au chaud, la capacité à rester douze heures dans la même position. J'ai fait trois heures dans la même position chez moi. Il faut vraiment avoir une vie intérieure riche! Ou faire le vide. Comme un moine. Mais rester à l'affût. Tu passes par tous les états... Parfois tu es bien, mais il ne faut pas trop l'être, il faut se dire que peut-être quelqu'un va surgir avec un fusil – j'étais dans mon appartement hein, le mec il ne va pas très bien!

Comme un ordinateur, il faut se mettre en veille parfois?

Non! Il faut toujours être là. C'est particulier. En fait, ce rôle de « moine », c'est un peu comme le métier d'acteur. Il faut savoir faire le vide de soi pour faire pénétrer un autre.

Alors vaut-il mieux n'avoir rien vécu pour pouvoir faire plus facilement le vide ou au contraire vivre un maximum de choses?

Les deux! Si on me demande de jouer un héroïnomane, je n'irai pas me mettre à l'héro, par exemple! Je crois à l'expérience mais il faut aussi beaucoup regarder les autres, je crois à la capacité d'imagination. A partir d'un physique, d'une façon de s'habiller, imaginer ce que font les personnes dans la vie. J'adore faire ça, à la terrasse de ce café.

Par exemple...

Pour le lecteur : Un grand homme chauve, chemise rose, mallette de cuir marron à la main traverse la place.

Par exemple, lui il ne vient pas de Paris, c'est un représentant qui vient à la maison mère... Que pourrait-il vendre? Des bouchons pour des bouteilles de vin, je pense qu'il est bien célibataire.
Ce que j'aime aussi c'est identifier les personnes à ce qu'ils étaient au collège.

Lui?

Un peu fayot.


Et vous?

Je suis passé par tous les stades. J'étais bon élève jusqu'au moment où j'ai découvert le théâtre, j'étais un serpent, je faisais bonne figure en cours, et je foutais le bordel sans jamais me faire prendre.

Comme le caméléon, on reste dans les reptiles.

Oui, ne jamais se mettre à découvert – ça y est j'emploie le vocabulaire de l'armée!

Vous dites que vous êtes devenu moins bon à l'école au moment où le théâtre est entré dans votre vie. Les deux ne sont pas compatibles? On se donne exclusivement au théâtre?

On va rentrer dans de la psychanalyse, je pense que c'est un lieu commun et un point commun entre beaucoup de comédiens, le théâtre permet de s'affirmer en tant qu'être humain, parce qu'on n'y arrive pas dans une situation familiale délicate. Rompre avec l'image qu'on renvoyait avant.

Vous jouez encore de la trompette?

Oui au grand dam de mes voisins. Ca va faire 18 ans, 10 ans à un vrai niveau ensuite j'ai lâché. J'ai commencé par la flûte à bec au conservatoire mais ça m'ennuyait, ça ne faisait pas de bruit, donc j'ai demandé à ma mère de faire de la trompette. Ca devient de la psychanalyse cette interview!

Vous jouez aussi du piano. Vous peignez?

Oui, comment vous savez cela?

C'était une plaisanterie en fait...

Je peins, je sculpte aussi, mais gentiment, le truc basique, de la terre. Pour moi tu es obligé de toucher à tout. Quand tu crées un personnage, tu crées une sculpture, tu lui donnes une colonne vertébrale. La position de la colonne vertébrale, ça change tout et là ce n'est pas psychologique.

Vous êtes obligé de vous exprimer par tous les modes qui existent?

Oui, sinon je deviens fou. Je suis hyperactif. Quand j'étais petit, je le faisais sans calcul, sans arrière pensée, c'est agréable de retrouver ça, de ne le faire que pour le plaisir. Je me suis remis à peindre il y a trois semaines alors que ça faisait un an que je n'y avais pas touché et c'est revenu comme ça.

Vous peignez quoi par exemple?

C'est un peu bizarre. Des têtes très torturées. C'est assez tribal.

Je vais passer en revue tous les autres modes d'expression : vous cuisinez aussi?

Oui, j'adore ça!

Votre spécialité?

De fines lamelles de boeuf un peu marinées avec de la coriandre. Certains appellent ça « les larmes du tigre ».

Oui... ça s'appelle aussi « le tigre qui pleure ». Vous l'accompagnez de quoi?

Alors, je l'agrémente (il prend une voix précieuse) de pâtes aux asperges avec crème aux asperges.

Vous chantez?

Oui!

Sous la douche!

Non, avec mon cousin on compose des petits trucs! Comme ça, sans prétention, pour s'amuser.

Vous bricolez aussi?

Oui, je m'y suis mis récemment, j'aime bien.

Ça commence à faire pas mal...

Après, il y'a tout faire et tout bien faire. Je ne pense pas faire tout bien.

Vous jardinez?

Non. Je n'ai pas trop l'occasion à Paris.

Ah! Mais bon, vous faites quand même de l'huile d'olive...Non, je ne fais pas d'huile d'olive. Mais c'est ma passion, j'adore ça. En fait, ma vraie passion c'est l'Italie.

Où?

Un peu tout, avec une grosse préférence pour les Pouilles que j'ai découvert récemment et plus particulièrement une ville : Lecce. C'est au centre du talon de la botte. Quand vous y irez, allez chez Natale, les meilleures glaces du monde.

Ah non, elles sont à Rome! Quelles sont les autres villes italiennes que vous aimez?

Allez à Lecce, vous verrez! Et j'aime Naples, c'est tellement le bordel. Sienne aussi. J'y étais au moment de la fête pour le gagnant du palio, c'était fou. Venise mais la nuit. Bari, son centre historique. Je vais aller à Bologne, Parme, Modène cet été. Je ne connais pas du tout.

Vous pouvez décrire votre lieu de travail? Ou votre table de chevet?

Ma table de chevet? Ce n'est pas mon lieu de travail, vous me prenez pour qui, un gigolo?!

Non, mais je me disais que les acteurs n'ont pas de lieu de travail...

Mon lieu de travail c'est mon salon, j'écarte tout, il reste un espace vide, et tous les matins, je fais une heure et demie de stretching.

De stretching?

Ce sont des exercices particuliers de Michael Chekhov, le neveu d'Anton qui était un élève de Stanislavski et qui est entré en dissidence avec lui. Il a écrit un livre Etre acteur où il fait pratiquer concrètement des exercices physiques, il dit que l'imagination est comme un muscle, qu'il faut la faire travailler et que pour exprimer des émotions et sensations, ça passe par notre corps. Il faut faire travailler des muscles qu'on n'a pas l'habitude de faire travailler dans la vie courante. Il propose très concrètement des exercices, de développer sa légèreté par exemple pour que le corps puisse exprimer un état. C'est assez simple et ça met dans une transe assez agréable. Tout est possible parce que par l'imagination on peut transformer une chaise en arc. C'est très bien, ça permet d'éviter les drogues! Ce sont des gammes, comme pour un pianiste. Un geste a une signification. Tu arrives à un contrôle de ton corps où chaque geste a un sens. Le fait d'avoir eu la sensation physique d'une émotion avant de la jouer permet précisément de ne pas la surjouer après.

Alors, vous arrivez à décrypter les gestes des gens?

C'est pour ça que j'aime regarder les gens dans la rue. Voir où se situe leur centre de gravité quand ils marchent. Lui, par exemple il l'a dans le crâne. Lui, pleine confiance, on sent que c'est dans la poitrine. Le duc d'Anjou a une colonne vertébrale haute, comme un serpent, il est toujours prêt à mordre.

En fait votre costume c'est votre corps...

Oui!

Vous n'avez toujours pas décrit votre salon.

Du parquet, beaucoup de bois, une table en bois. Je suis très bois. Des poutres. Assez zen, malgré le bordel qu'il y a.