"Les seuls concours que j'ai réussis, ce sont les concours de circonstances"
La
télévision n'a plus aucun secret pour lui, mais lui a su garder
tout son mystère...
Une énigme en gilet noir, décontractée, sans
sa cravate en maille du soir.
Michel Denisot me reçoit dans son
bureau un jour de pluie.
Le regard impassible et le sourire
impénétrable.
1h15
avec un sphinx format 16/9.
Un
tableau du Bhoutan sur une commode, une plante verte au tronc tressé
dont il ignore le nom, une machine à café et des cartons.
L'interview,
c'est votre métier... Quelle serait une bonne première question à
Michel Denisot ?
« Comment
ça va ? ». Dans notre métier, il y a quatre questions :
« où, quand, comment et pourquoi ». Et après il y a :
« à part ça ? ». J'ai fait une émission qui
s'appelait comme ça... Je trouve toujours qu'on parle trop, il y a
trop de mots dans les phrases. On peut toujours faire plus court.
J'adore l'exercice des brèves. Quand on a trois feuillets sur
l'Afghanistan et qu'on doit en faire une ligne et demie, on peut y
passer sa vie ! C'est un travail de moine qui demande beaucoup
d'humilité et d'exigence en même temps !
Une
bonne interview se fait avec des questions courtes ?
C'est
d'abord écouter et ne pas être crispé sur son questionnaire.
Parfois, l'intérêt de l'interview, s'il y en a un, n’est pas
celui qu'on avait en tête avant de la faire. C'est un exercice
jamais parfait, qui est toujours à refaire. Passionnant. Quand on a
fini, on voit toujours ce qu'on aurait pu faire de mieux.
La
première question que j'avais préparée, c'était vous demander
votre numéro de carte de presse...
27 329 !
Il
y en a eu des numéros depuis !
(rires)
Ça ne date pas d'hier ! Il m'a fallu du temps pour l'avoir,
c'est mon seul diplôme ! Même si je n'ai pas renouvelé ma
carte pour des raisons administratives, j'éprouve toujours la
satisfaction de l'avoir. C'était mon objectif dans la vie !
Depuis
tout petit ?
Oui
j'ai eu la chance de savoir très tôt ce que je voulais faire. A 15
ans.
Quel
a été le déclic ?
La
curiosité. J'étais très intéressé par la presse, je lisais les
journaux, j'écoutais la radio. J'ai fait un stage pendant l'été
dans un des deux quotidiens locaux de Châteauroux, et ensuite je
n'avais plus envie que de ça. Je ne faisais plus rien à l'école
parce que je ne pensais qu'à ça. J'aimais ce métier et je l'aime
toujours pour cette raison : pour moi, être journaliste c'est
raconter des faits, de la façon la plus précise possible ; ce
n'est pas donner son avis, ça c'est être éditorialiste.
Comment
imprimer sa marque alors ?
Notre
métier, ce n'est pas d'imprimer notre marque. Ce n'est pas un métier
de vedettes, aujourd'hui on voit les choses à l'envers. C'est un
métier austère, noble. Les grands journalistes, ce ne sont pas des
gens qui se font arrêter dans la rue. On peut aussi être connu mais
la base du journalisme est anonyme. Ce n'est pas devenir une marque,
là on passe dans un autre métier.
Un
Michel Denisot, ça ne pourrait plus exister aujourd'hui...
Les
temps ont beaucoup changé ! Moi je suis né avant la machine à
laver ! (rires) Les moyens de transmission de l'information ont
été bouleversés. Maintenant, on consomme de l'information...
L'avantage c'est que tout le monde est hyperinformé mais on a
peu de temps pour la réflexion... Et les parcours sont différents.
Moi, j'ai commencé en étant localier pour un journal qui n'a
rapidement plus eu de place pour moi. Aujourd'hui je les en remercie
parce que sinon, j'y serai peut-être encore… Même si je n'aurais
sans doute pas été malheureux !
Vous
pensez vraiment que vous seriez resté sagement là-bas ?
On
ne sait pas dans la vie comment ça se passe... Les seuls concours
que j'ai réussis, ce sont les concours de circonstances. C'est
important dans notre métier de saisir la chance ; mais on a de
la chance que si on va la chercher... Il faut travailler. Il faut se
rendre disponible. Il faut essayer de se rendre indispensable quel
que soit le niveau de notre boulot. Et puis être toujours en éveil.
C'est pendant mon service militaire que j'ai rencontré le
journaliste Pierre Salviac qui rentrait de la radio de Limoges et qui
arrivait à France Inter. Il m'a dit d'aller voir à Limoges s'ils
avaient du travail pour moi.
Faut
le vouloir déjà d'aller à Limoges !
Il
ne faut pas avoir d'a priori comme ça ! Partout, c'est
intéressant. Il n'y a pas que les grands endroits du monde !
Moi, tout m'intéresse, je suis curieux de tout. Il n'y avait pas de
place de titulaire donc j'étais pigiste. J'ai fait de la radio
régionale puis de la télé régionale par accident.
Quel
accident ?
C'était
en juillet, pendant les vacances. Le chef n'était pas là et le
présentateur du JT du soir avait un rencard à l'heure du journal…
il y tenait beaucoup ! Il m'a demandé de le remplacer, je l'ai
fait. Le lendemain on s'est fait engueuler ! Mais du coup j'ai
continué. Vous voyez, les concours de circonstances ! Ensuite
j’ai eu une place à Poitiers, à Bordeaux, à Reims... Dès qu'il
y avait un poste, j'y allais ! Les télés régionales, c'est
intéressant, on peut toucher à tout. Je ne suis spécialiste de
rien mais j'aime tout. Après, au bout de deux ans, j'avais fait le
tour des sujets. A Reims, par exemple, c'est
Colombey-les-deux-églises, le champagne... La première fois, on est
content, puis après il faut recommencer... C'est un choix de vie…
Moi, je suis parti à Paris… Il y avait un petit boulot qui
s’appelait « coordination des stations régionales ».
N'était-ce
pas frustrant de faire ça après avoir présenté des journaux
radios et télés ?
A
l'époque, Cognacq-Jay, c'était un lieu sacré pour notre métier.
En tout cas pour moi, ça l’était. Le premier jour où j'y suis
entré, j'étais émerveillé. J’étais dans les mêmes bureaux que
ceux qui faisaient le 20h ! Je n'étais pas du tout frustré, au
contraire. De temps en temps, il m’arrivait d’apporter les jus
d'orange et les cafés à Gildas et Elkabbach...
Ils
vous ont mené loin vos jus d'orange ! Que mettiez-vous dedans ?
J'achetais
du jus d'orange « Banga ». Christian Dutoit était le
rédacteur en chef du 13H de l'époque, il m’avait surnommé comme
ça. Ensuite il a créé LCI, itélé, puis il a été membre du CSA.
Et je pouvais l’appeler quand je voulais, il suffisait que je dise
que c'était « Banga » à l'appareil pour qu'il me
rappelle immédiatement !
Qui
a cru en vous ?
Moi !
(rires) Mais sans exagération ! Je vois assez vite quand
quelqu'un va marcher. Au bout de 5 minutes, j’ai vu que Louise
Bourgoin allait devenir quelqu'un... J’ai vu que Marc-Olivier
Fogiel, même s'il n'était pas prédestiné, allait y arriver parce
qu’il en voulait tellement… Je savais qu’il franchirait les
obstacles personnels qu'il pouvait avoir, face à une caméra par
exemple. Pour Jean-Luc Delarue, j'ai su au bout de deux secondes.
Êtes-vous
un bon chef ?
Je
suis du bâtiment et j'ai connu une période où les chaines de télé
étaient dirigées par des gens du bâtiment : Lescure,
Mougeotte... Ils avaient tout fait donc ils connaissaient le produit.
Aujourd'hui les chaînes sont dirigées par des chefs d'entreprises
qui savent s'entourer. C'est le cas de Méheut aujourd'hui. On n'est
pas des artistes, on est des fabricants de programmes.
La
rencontre de votre carrière, c'est Yves Mourousi...
Oui,
c'est ma rencontre professionnelle la plus importante... J'ai fait le
13h pendant trois ans avec lui sur TF1. Tout ce que je sais faire, je
l'ai appris là. Décoincer l'information à la télé...
Peut-être
un peu trop... Vous aviez utilisé des marionnettes pour votre
premier JT... Ça a failli être à la fois le premier et le
dernier...
Oui !
Quand on est sortis du plateau, Christian Bernadac nous a dit « c'est
fini ».
Je me voyais déjà prendre le train gare d'Austerlitz le soir et
rentrer à Châteauroux ! Mais au déjeuner, Mourousi m'a dit
« Ne
t'inquiète pas, on va les niquer, demain on sera là ».
Et effectivement le lendemain on était là... Avec lui, j’ai
compris que tout était information, qu’il n’y a pas de
hiérarchie, elle est changeante tout le temps. Aujourd’hui
l'ouverture, ça peut être un film, ça peut aussi être la
Syrie.... Alors qu’avant l'info, c’était tout le temps le même
ordre avec d’abord le conseil des ministres... Lui, il a tout
cassé... Et ensuite tout le monde a suivi... J'ai eu la chance
de travailler dans sa foulée au jour le jour et de voir son
indépendance d'esprit et en même temps la nécessité d'avoir un
bon relationnel avec les personnalités, pour qu'elles viennent !
Trouver le juste équilibre.
Comment
arrive-t-on à occuper l'espace à côté d'un Mourousi ?
C'est
lui qui décide ! Il avait un mode de travail très atypique. Et un
mode de vie très atypique aussi, sur lequel je ne vais pas
m'étendre... Donc il y avait des jours où il arrivait à midi et
demi pour 13h... Moi je préparais le journal avec les équipes.
Parfois je faisais 20 minutes de journal, d'autres fois deux ! Il y a
même des jours où je l'ai remplacé parce qu'il n'était pas là !
A chaque fois, on ne le savait qu'au dernier moment... Donc j'étais
toujours prêt ! Je n'ai que des souvenirs extraordinaires de cette
période....
Aujourd'hui
avez-vous le temps de regarder le JT ?
Je
ne regarde plus le JT de 20H puisque je travaille quand il est
diffusé ! Les chaines info ont quand même beaucoup
entamé le JT. Le JT, c'est pour ceux qui ne regardent pas les
chaines infos... Je regarde aussi les chaines étrangères.
Vous
vous en inspirez ?
Oui.
Quand j'ai commencé en matinale sur Canal, j'étais allé voir
comment fonctionnait Good
morning America
sur ABC. Ce sont des mécaniques, des règles qu’il faut connaître.
Vous
n'avez jamais connu d'échec télé... Enfin j’en ai compté un…
Une émission ciné : CinéStars
sur TF1…
Ah
vous avez retrouvé ça ! (rires) Les émissions de cinéma ça ne
marche pas à la télé !
Pourquoi
?
Pour
une raison très simple : si on veut avoir les acteurs en plateau,
c'est sans critique ! Et ça intéresse moyennement le
téléspectateur. Donc il faut mélanger avec autre chose, comme ce
que je fais au Grand
Journal :
il y a un instant critique. Mais par exemple, l’émission de
Beigbeder, ce n'est qu’avec des critiques. Et sur les grandes
chaînes, quand Catherine Deneuve est invitée au 20h, je n'ai jamais
entendu le présentateur critiquer !
Vous
le fan de ciné, quel est le dernier film que vous êtes allé voir ?
Le
dernier Tarantino Django
Unchained.
Je suis fan de Tarantino, pour moi c'est le plus grand au monde. Donc
le film est très très bien.
Pas
de critique négative ?
Non.
Vous,
vos idoles vous les rencontrez !
Oui,
j'ai eu la chance d'interviewer Tarantino une quinzaine de fois !
A Cannes, on est dans le même hôtel donc on se voit parfois à
toute heure du jour ou de la nuit. J'ai beaucoup d'admiration pour le
talent, quel que soit le métier. Les gens qui ont du talent, il ne
faut pas leur demander d'être comme tout le monde ! Même dans le
sport, quand un jeune type de 20 ans est un génie et qu'il fait des
conneries dans la vie, je m'en fous...
"Les
gens qui ont du talent, il ne faut pas leur demander d'être comme
tout le monde"....
Quand vous dites ça, pensez-vous à votre ami Depardieu ?
On
se connait depuis Châteauroux... Un ami, c'est quelqu'un que vous
connaissez bien et que vous aimez quand même.
Vous
ne le jugez pas !
Si
jamais je devais le juger, je ne le dirais qu'à lui !
Canal
+, c'est votre deuxième vie...
Ca
fait 28 ans que je travaille pour Canal, même si je suis
producteur extérieur maintenant. J'y ai occupé tous les postes, y
compris de management !
L'idée
du Zapping c'est vous !
Les
bonnes idées en télé, ce sont les idées les plus simples. Comme
les noms d'émissions, il faut que ce soit simple. Foucault n'a connu
qu'un échec dans sa vie, c'est une émission qui s'appelait La
trappe...
Il ne faut pas faire ça !
Vous,
c’est simple : vous mettez tout le temps le mot « grand »
dans vos titres d'émissions ! Le concept du Grand
Journal
vous est venu dans la voiture, à hauteur d'Orléans... Pouvez-vous
m'expliquer le rapport ?
Je
n’ai pas eu l’idée d'un coup, je voyais ce que cherchait
Rodolphe Belmer. En fait c'est plus le découpage qui m'est apparu à
ce moment-là… Jusqu’à cet instant, ça mijotait dans ma tête.
En
êtes-vous fier ?
Ce
n'est pas une fierté, c'est une satisfaction professionnelle. Je
suis amoureux, passionné par mon métier...
Il
vous le rend bien !
Oui,
c’est vrai ! Parfois on est amoureux tout seul !
Des
idées comme ça, en avez-vous d'autres ?
Oui
des idées j'en ai. Beaucoup trop. Je soûle tout le monde avec tous
les jours ! Je n’ai pas le temps de tout faire. Le producteur
Renaud le van Kim me dit à chaque fois « mais quand, à quelle
heure » ?
Comment
expliquez-vous que de toutes les personnalités historiques de Canal
+, il ne reste plus que vous maintenant ?
Quand
j’ai eu l’idée du Grand
Journal,
j’ai dit à ma femme que j’allais faire l’émission deux ans…
En fait tous les ans je dis que c'est la dernière année. Et ça
fait rire tout le monde à la maison !
Vous
n'arrivez pas à décrocher !
C'est
que ça me plaît ! Et ça marche. Je ne vais pas me couper un
bras !
Quel
est le secret de votre longévité ? De votre éternelle
jeunesse ? On a l'impression que vous ne vieillissez pas !
Je
suis une vieille carlingue (rires) mais j’en prends soin !
Faites-vous
du sport ?
Non,
zéro ! De la diététique, oui. J'ai
la chance d'avoir une bonne constitution ! Enfin c'est ce qu'on
me dit... Je ne suis pas Superman mais je suis assez résistant, je
peux ne pas beaucoup dormir. La
passion aide.
Plus
que des vitamines ?
Oui.
Et puis j'ai la chance d'être bien entouré dans la vie aussi !
Pas
de sport… Mais le foot, vous n'allez jamais y revenir ?
Pour
l'instant il n'y a rien à dire.
Vous
n’avez aucun regret ?
J'aime
le foot mais je préfère mon métier. J’ai eu la chance d'être
bien entouré ; d’ailleurs j'ai gardé contact avec certains
joueurs et entraineurs. Je ne me rendais pas du tout compte quand
j’étais au PSG de l'impact que ça avait. Ça fait 14 ans que j'ai
arrêté, mais on m'en parle tous les jours. Si je sors avec vous
dans la rue, on va m'arrêter en me disant « il faut y
retourner ». C'est toujours très positif. Je ne savais pas que
ça touchait à ce point les gens. C'est une grosse machine avec des
excès de tous les côtés, dans la presse... En fait, c'est plus
agréable quand c'est fini que pendant !
Cette
fois-ci, vous étiez de l'autre côté du miroir !
Oui,
j'étais très médiatisé. Ce qui a fait que je m'en suis sorti
correctement, c'est que je n'ai pas fait ça pour être connu, je
l’étais déjà.
Ni
pour l'argent.
Non
je n'ai pas gagné un rond ! Je n'ai pas bien négocié !
Diriger
une équipe de foot, est-ce que ça vous a aidé pour diriger une
équipe à la télé ?
Oui,
c'est diriger des gens qui ont de l'égo. C'est faire du collectif
avec des talents individuels. Trouver la bonne place pour chaque
personne. C'est ce que je fais tous les soirs. L'émission est
extrêmement chargée. Quand on fait la réunion le matin, je me dis
à chaque fois que ça ne va pas tenir. Et le soir, il faut faire en
sorte que ça tienne. Je fais le montage en direct !
Dans
la vraie vie êtes-vous comme ça aussi ? À essayer de tout
maitriser ?
Non.
Regardez autour de vous, c'est le bordel ! Je ne défais jamais
mes cartons !
Par
superstition ?
Non,
pas du tout. Je pense toujours que je suis de passage. Et là ça
fait six mois que je suis là ! Ce sera comme ça jusqu'au bout.
Votre
nouveau défi c'est Vanity
Fair...
Vous allez diriger la rédaction tout en gardant le Grand
Journal...
Vous disiez dans une interview : « Je
ne mange pas les yaourts au-delà de la date de péremption, quand je
suis attiré par quelque chose d'autre, ça veut dire que je ne
m'intéresse plus à mon travail »...
Mais là vous allez manger deux yaourts en même temps !
Oui,
tout à fait. Mais c'est très particulier. C'est un mensuel.
J'arrive à faire les deux en même temps sans problème. Je ne suis
pas une exception. Tous les patrons de magazines font de la télé.
C'est du journalisme tel que je l'aime. Beaucoup de gens n'ont pas
une idée très précise de ce qu'est Vanity
Fair.
Ils croient que c'est Vogue
alors que c'est surtout un journal d'investigation. On raconte des
histoires liées à l'actualité et on ne porte pas de jugement. Et
ça c'est tout ce que j'aime dans le journalisme. Sa noblesse. Quand
un journaliste a un mois pour écrire son article, il a vraiment un
mois.
Ça
n'existe plus ça ! Le journalisme d'investigation, il faut
avoir les moyens de le faire !
Et
nous, on les a ! C'est la vraie différence ! Ce sont des
histoires qui font ouvrir de grands yeux. Et à la fin, on ne vous
dit pas ce que vous devez penser. Et ça c'est beau.
Vous
inspirez-vous de Vanity
Fair
pour Le
Grand Journal ?
Au
début oui ! C'est une façon de voir l'actualité. J'ai reçu
Richard Gere il n'y a pas longtemps pour le film Arbitrage.
Je lui ai demandé comment lui, le bouddhiste, il pouvait interpréter
un escroc de Wall Street. Et il m'a répondu, sans savoir ce que je
fais : « Je
lis Vanity Fair ».
Ca a été coupé au montage, parce que mes équipes sont des voyous
– je plaisante. C'est exactement ça Vanity
Fair :
on apprend des choses.
Eprouvez-vous
de l'excitation ?
Une
grosse responsabilité. C'est la première fois que j'ai quelque
chose que je ne suis pas allé chercher ! J'ai beaucoup de
candidatures surprenantes de confrères qui ont déjà de quoi être
satisfaits dans leurs vies et qui veulent faire partie de l'aventure.
Quand
sortira le premier numéro ?
Au
milieu de l'année.
Il
n'y a pas un risque, en ayant autant de casquettes, d'avoir la grosse
tête ?
Non !
Je suis tellement bien entouré, par ma femme, mes filles... Elles ne
me tapent pas sur la tête mais elles me taquinent ! Je
pense que j'ai passé le cap maintenant ! Je ne suis pas dupe
sur mes relations avec les gens. Je sais bien que si j'arrête, je
peux éliminer 80% de mes numéros de téléphone.
Allez-vous
donner une place importante à la mode dans Vanity
Fair
?
20%
Justement,
je me demandais : quel est votre premier geste beauté du
matin ?
Je
me brosse les dents !
Votre
style vestimentaire, comment le définir ?
Preppy
vintage !
Vous
êtes un fan de cravates !
(il
soupire) Je ne suis fan de rien ! Ce qu'il faut, c'est ne pas
être conscient de porter quelque chose !
Pourtant
on est bien obligé de choisir le matin !
Oui
mais quand on a enfilé quelque chose, il ne faut pas le sentir.
Comme
une seconde peau ?
Oui
on peut dire ça comme ça, moi, il m'en faudrait plusieurs ! Il
ne faut pas se sentir déguisé.
Votre
plus grande fantaisie ?
Un
manteau orange.
Pourquoi ?
Parce
qu'il est orange ! Je le porte encore de temps en temps !
C'est un manteau anglais assez près du corps. Je l'aime bien !
Qu'est-ce
qu'on ne vous verra jamais porter ?
Des
chapeaux. Je ne me sens pas très bien avec un chapeau.
.
J'ai
lu que vous vous faisiez souvent une idée des gens en regardant
leurs chaussures...
Je
n'ai pas regardé les vôtres !
Si
je levais la jambe, là pour vous les montrer, vous feriez-vous une
idée plus précise de moi ?
Je
n'ai pas eu besoin de ça ! Mais parfois, quand j’ai un doute,
je regarde ! Même si je ne m'en fais pas une idée fixe.
Quelles
chaussures portez-vous aujourd'hui ?
Des
Weston noires. C'est souvent le cas.
Pour
vous, qu'est-ce que la classe au féminin ?
L'élégance
féminine, ce n'est pas une question de vêtements ! Le vêtement
est une ponctuation de l'élégance.
Votre
côté impassible, vous le travaillez ?
C'est
un exercice. Au bureau, je ne suis pas impassible. Demandez-leur !
Vous
êtes un grand blagueur en fait. Un adepte de canulars
téléphoniques !
C'était
il y a longtemps ! C'est fini ça ! J'échange pas mal de
blagues avec Doria de la météo tous les matins. Mais ça ne rentre
pas dans cette boîte-là. (il montre le dictaphone)
Doria
Tillier, la nouvelle miss météo. Vous sentez qu'il y a des
personnes qui iront loin dans votre équipe ?
Doria,
c'était une évidence, elle est arrivée par Christelle Graillot qui
détecte les talents. Augustin Trapenard aussi est très très bon :
il parle d'un bouquin en 45 secondes et on a l'impression de l'avoir
lu. C'est sa passion. A la télé, quand on est bidon on ne dure pas
longtemps ! Il n’y a pas de mystère, il faut travailler.
Doria arrive tôt le matin, elle passe toute la journée à préparer
sa chronique. Et toutes, elles ont fait ça. Travailler 10 heures
pour faire 2 minutes. C'était pareil avec Delarue, Fogiel,
Dechavanne…
Le
secret, c’est ça : travailler, travailler, travailler…
Oui,
le talent, c'est 5% et le travail, c'est 95%.
On
peut s'en sortir en étant nul alors !
On
a tous un petit peu de talent !
Vous
qui avez fait des millions d'interviews, est-ce qu'il y en a
auxquelles vous repensez parfois ?
Oui,
par exemple, l'interview de Nicolas Sarkozy à l'Élysée. Je n’avais
jamais interviewé de président avant. C'est un rituel
journalistique qu'on a tous envie de faire une fois. Normalement, ce
n’est pas un match, mais lui cherchait la confrontation. Il voulait
gagner. Je me suis repassé l'interview 25 fois dans ma tête.
Par
frustration ?
Non.
C'était une chance, j’étais content de le faire. Mais après, on
se dit toujours : « j'aurais dû faire ça ».
On
refait le match !
Oui,
je l'ai beaucoup refait celui-là !
L’exercice
serait différent avec le président actuel ?
C'est
un escrimeur, un fleurettiste. Il a beaucoup d'humour même s'il se
freine beaucoup, il est toujours tenté de faire une pirouette.
Vous
dites n'avoir aucune étiquette politique…
Je
suis d'une indépendance maladive !
Vous
avez quand même voté Arlette Laguiller une fois !
C'était
sentimental, pour un oncle de mon village natal qui votait
communiste, très solitaire et proche de la nature, que j'aimais
beaucoup et qui m'aimait bien. Il est mort peu de temps avant une
présidentielle ; je votais dans son village, donc au premier
tour j'ai voté comme s'il était là…
Quand
vous regardez dans le rétroviseur, quel Michel Denisot
préférez-vous ?
Celui
de maintenant ! J'aimerais bien que ça se fige. Ça ne me
déplairait pas que ça dure.
C'est
rare de se dire ça, non ?
Peut-être.
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