Un dîner avec... Pom Klementieff


(crédit photo : Laurent Koffel)


Un restaurant avenue Matignon, des bonbons géants, deux urnes funéraires, une fausse bibliothèque, des noix de cajoux grillées à sec. La ravissante Pom Klementieff, qui s'apprête à jouer dans la suite de Pigalle La Nuit. Bientôt au cinéma le 2 mars dans la comédie Une pure affaire d'Alexandre Coffre puis dans le thriller Nuit Blanche d'Alexandre Jardin.
1H15 x 2.


C'est indécent ces amandes, elles sentent le poulet rôti... Y'a un truc addictif un peu !

Elle prend les artichauts poivrades, je choisis les ravioles de Saint Jacques. Deux belles assiettes.

En fait c'est un petit peu notre petit Noël à nous deu
x !Sur la carte, elle s'arrête sur l'appelation "pommes allumettes" pour accompagner le tartare.Ton premier souvenir culinaire ?

Le goût de la neige. Au Japon : je mangeais de la neige, dans la cour de recré, on faisait des batailles de boules de neige. Je me souviens du goût
que ça avait. Forcément, je n'ai pas passé mon enfance ici donc mes souvenirs sont plus exotiques : en Afrique je me rappelle du lait caillé que tu achetes et que tu manges dans du plastique. Ca avait un gout fermenté, acide, sucré, que je trouvais super bon. J'avais des caries tout le temps ! En fait j'allais tellement chez le dentiste qu'il m'avait meme offert une peluche, un chien jaune. Une fois j'ai perdu l'oreille du chien dans la cour de recré. J'avais passé la journée à la chercher partout, c'était horrible, je m'en voulais tellement. Puis j'ai recousu le chien sans l'oreille, avec mes petites mains. Donc d'un côté il avait sa jolie oreille et de l'autre coté c'était Frankenstein !

Avec ma tante, j'ai connu les plats français traditionnels: la daube, le rôti de boeuf, la palette de porc et les patates... Je sais faire la gelée de groseilles maison meilleure que chez Fauchon ! J'ai un souvenir ému : quand je rentrais de pension le
vendredi soir et qu'avec mon oncle on allait prendre le pain Poilane, qui sortait du four, frais, c'était croustillant et brûlant à l'extérieur et à l'intérieur la mie était fondante, comme si elle était vivante. Quand tu ouvres le pain, c'est comme un trésor. Le pain frais sortant du four avec du tarama fait maison ,tu peux mourir juste après...

Tu reviens de Montréal...

Oui et j'ai vu comment ils font la pâte à bagel : le bagel c'est vraiment le pain, c'est un art comme une baguette qui sort du four.
Je les ai embêtés, je rentrais d'une soirée et j'étais là à répéter "oh vachement bien les bagels" ! - La Parisienne !

Ici, on n'a pas la culture du 24 h sur 24, comme ça !

Ah oui ca c'est un vrai problème Aurélie, il faut faire quelque chose ! A minuit, la seule possibilité ici c'est un grec !

J'ai pas mal voyagé quand j'étais au Canada, j'ai fait plusieurs allers retours dont un de 24h pour voir
Andrew Simpson, celui qui a dressé les loups dans le film de Nicolas Vanier
, il a 22 loups...

Puis elle jette ses yeux de chat sur son téléphone portable, elle a quelque chose à me montrer. Elle me fait écouter le cri des loups,d
es 22 loups, juste après avoir mangé.

C'est très beau et très effrayant en même temps.


Certains loups sont plus craintifs que d'autres. Ils étaient adorables parce que j'étais avec le dresseur, en totale confiance. Un loup ne s'attaque pas à l'homme sauf s'il n'a pas mangé depuis très très très longtemps ! C'était dans un endroit paumé, on est allés dans un bar, et juste pour manger un hamburger, la fille me demande ma carte d'ide
ntité. Alors que je ne voulais meme pas boire, je voulais juste un hamburger ! Je n'ai pas l'air d'avoir quatre ans non plus ! Mais j'étais dans le coin bar et la fille prenait son job tellement au sérieux que si je ne lui avais pas donnée (la carte d'identité), elle m'aurait sortie du bar, je crois !


Et la nourriture, là-bas ?

Il y a pas mal de truc à la francaise... Tout y est "bigger". A Paris on trouve des touts petits paquets de chips, alors que là bas c'est l'inverse. Ma tante me cuisinait un truc : des crepes avec du lard et du sirop d"érable ! Sucré salé ! (sourire)

Tu cuisines ?

Je ne cuisine pas trop mais je vais m'y mettre. je fais des gateaux... miam c'est du beurre salé dans le petit pot ! Tu as remarqué comme les choses n'ont pas la meme saveur selon l'endroit et les gens avec qui tu les manges ? Souvent ma tante me cuisinait de bons petits plats et logiquement, je rapportais le plat dans un tupperware pour chez moi. Mais c'est nul chez moi ! Dans ton appart à paris, tu préfères manger un san
dwich jambon beurre !

Comme si en mangeant, on mangeait aussi un moment...

Hmmm, c'est fondant et tiède ces artichauts. Je les
ai pris, pour une fois que c'est écrit sans faute sur la carte.

Tu te verrais vivre au Canada ?

J'aime Paris, sa beauté évidente. Je suis heureuse, j'aime traverser la Seine au moment du coucher du soleil avec mon scooter. C'est comme si le temps s'arretait.
A Montréal, ce que j'ai préféré, ce sont les gens que j'ai rencontrés... des personnes exceptionnelles.

Elle goûte mes lentilles servies avec mon tou
rnedos de saumon :

Ca sent le feu de bois, ça donne envie de rajouter un pull presque !

Arrivent alors les desserts. Pom a pris les crèmes brûlées au chocolat.
Ave
c des yeux de petite fille, elle me propose de craquer le haut de la crème brûlée, du bout de ma cuillère.

C'est excitant de craquer la croûte !

Le dîner en détail, ici : http://www.selectionrestaurant.com/le-berkeley-resto.php

1H15 avec Nicolas Bedos


"Je suis un hyperactif provisoire"

Il a l'art de balancer les pires saloperies sans quitter sa poésie et son charmant sourire. En ce moment Nicolas Bedos est le regard ténébreux du PAF... Un coca zéro, un criterium à la main, interview.


Depuis notre dernière interview, un an s'est écoulé. Nicolas Bedos, si cette année mytho était à refaire vous la referiez ?

Oui ça a été beaucoup de gratification et pas mal de travail ! C'est très équilibrant, en fait, le succès. Avec
"Promenade de santé", j'ai été satisfait du travail que nous avons accompli. Je n'ai aucun regret : le spectacle a été conforme à mon rêve. J'avais connu pas mal de galères, monté des pièces qui m'avaient déçues, fait des concessions de castings... Là j'ai eu tout ce que je voulais. Et puis c'est un spectacle enfanté dans le plaisir. Et la considération qui va avec est agréable. Quand on est flippé et boulimique comme moi, ça donne le courage de continuer. Mais ça fait aussi peur, je vais prendre mon temps avant ma prochaine pièce, je veux faire ça bien.


Vous espérez un triomphe au moins aussi grand ?


Il ne faut pas courir après le triomphe. Il faut se demander ce qu'on a à dire. On me dit souvent que je travaille trop. C'est vrai. Mais il y a eu plusieurs années durant lesquelles on ne m’a pas permis de m’exprimer, alors aujourd'hui, j'en profite !


En ce moment cette énergie est polarisée sur la télé, vous faites une chronique tous les vendredis soirs chez FOG dans
"Semaine critique". Est-ce que la télé n'est pas en train de pomper votre énergie au détriment du théâtre ?


Les premières semaines, ça m'a tout pompé, oui !
Heureusement, j'avais commencé à écrire cet été. J'ai écrit beaucoup de téléfilms ces dernières années, je vais d'ailleurs bientôt jouer le mari de Julie Depardieu (ndlr dans un film qu’il a écrit pour Jeanne Moreau, Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, réalisé par Josée Dayan). Je fais un peu l'acteur car je souffre du syndrome du mec qui va perdre ses cheveux et qui profite d'être encore à peu près regardable !

Vous en êtes où de vos cheveux ?


Ils tombent, de façon significative ; je vais y remédier !


Vous envisagez des implants ?


Je vous en pose des questions ! Oui, sans doute, je n'ai pas envie d'avoir la tête d'Alain Juppé. J'assume ma coquetterie ; il faut qu'on ait une tête en adéquation avec ce que l'on est.


Et vous vous concevez chevelu...


Disons que je n'ai pas totalement renoncé à la séduction.


Vous faites tellement de choses qu'on a l'impression que vous vous rentabilisez au maximum !


C'est un mot terrible,
« rentabiliser » ! Non ! Mais je ne veux pas passer à côté de ma relative jeunesse. Quand j'aurai 50 piges, ça me fera des souvenirs.


Mais vous
n'avez pas peur de vous user avant 50 ans ?


Je suis un hyperactif provisoire. A un moment donné, il faudra que je freine. Je n'ai pas envie de courir toute ma vie, le mardi rendre ma nouvelle, le mercredi écrire un téléfilm, le jeudi rendre ma chronique, en plus des interviews…


Comme maintenant !


Exactement ! Ceci dit, ca a un côté psychanalyse, les interviews. Cet après-midi j'en ai fait une pour
Le Monde. C'est indécent de parler de soi... même si ça permet d’y voir plus clair. Mais je n'ai pas envie de vivre cette vie-là trop longtemps. Dans vingt ans je me vois romancier, metteur en scène de théâtre, peut-être un peu de cinéma, mais à un rythme régulier et plus sage.


Le cinéma ?


J’ai un projet avec la société de production d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. Ce sera une comédie dramatique. Un "film d'auteur hollywoodien" – ce qui ne veut rien dire ! Je réfléchis à l'écriture d'un scenario tarantinesque avec des dialogues bergmaniens. Ce sera le délire d'un homme plongé dans plusieurs réalités, un film sur la paranoia et la précarité.


Vous écrivez beaucoup sur les troubles du comportement...


Oui, je ne suis pas l'homme le plus équilibré de la terre... Je m'inspire de ce que j'ai vécu.


Vous voulez dire que vous avez été « nymphomane, mythomane, paranoiaque et
toxicomane » ?


Tout à fait, un peu de chaque ! J'ai pioché dans les plats...! Mais je ne vais pas prétendre que je suis alcoolique, comme je l'ai lu ici ou là, ce serait prétentieux de ma part : je ne sors qu’une fois par semaine ! Mais les troubles du comportement ne me sont pas étrangers. Disons que de 20 à 24 ans, mes nuits ont été rock n roll !


La folie a donc quelque chose d'universel ?


Je pense. Beaucoup de gens se sont reconnus dans les personnages joués par Mélanie Laurent et Jérôme Kircher dans
"Promenade de santé", ça les a touchés même s'ils ne sont heureusement jamais allés aussi loin.


Alors on a tous des embryons de folie ?


Oui, nous sommes tous tarés dans de petites proportions.


Revenons-en à la télé où vous officiez actuellement.
Vous n'avez pas eu peur à un moment, vous, l'auteur et le metteur en scène fiévreux et talentueux, de vous « prostituer » ?


Je continue à me poser la question. Il est certain que ce genre d'exercice entame le mystère qu’un auteur devrait préserver : on n'a jamais vu Tennessee Williams faire le con à la télé tous les vendredis soirs ! Mais ça me fait connaître d’un public plus large et c’est nécessaire de se faire connaître. Ca me permet de monter plus facilement des pièces, des films. Après tout, les acteurs ne doivent pas avoir le monopole de la notoriété ! Et puis je n'ai pas à rougir de mes chroniques, je les revendique. Ca reste un véritable travail d'écriture. Après, est-ce que dans le regard du téléspectateur, je suis un écrivain ou un animateur... ? Je n'en sais rien. Ce qu'il y a de commun entre les deux, c'est le goût des mots, le travail sur la phrase. Et certains thèmes abordés.


Dans un article du JDD, le linguiste Pierre Merle dit que vous avez la
« vanne ultrabranchée »...


Disons que je dois faire une synthèse un peu étrange entre un plateau très littéraire, pointu avec des intellos et mon souci de causer aux gens de ma génération. Ca crée un mix. On m'a dit que je m'arrangeais toujours pour alterner une phrase poétique avec une phrase vulgaire. Ce n'est pas faux. Quand j'écris, je pense au public – un public idéal. Comme je sais que j'ai une tendance à la phrase alambiquée, poétique -voire pédante- au milieu j'insère une saloperie ! Ca me ressemble plus comme ça !


C'est le style "Nicolas Bedos" ! Il y a un verbiage chez vous, on a l'impression que vous goûtez les mots, que vous prenez plaisir à les prononcer...


Mon interprétation n'est pas travaillée, elle est ressentie. Je cherche une certaine musique, souvent je ne peux pas rajouter ni ôter le moindre mot car la phrase se tient ainsi !


Avec le récit de vos soirées et ces superbes filles auprès desquelles vous dites vous réveiller, vous entretenez le mythe...


J’invente à 80 %. Je ne prends même pas de coke ! C'est à la fois une fiction et une façon de couper court à la moquerie des autres, à leurs préjugés…


Vous préférez vous donner vous-même les coups plutôt que de laisser les autres le faire !


Ca a plus de gueule! C’est de la malice de ma part, et de la franchise. Comme dit Cyrano
:

«
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve"


Vous vous jouez des codes de la télé : allusion au prompteur, nonchalance, politiquement incorrect... Vous nous rappelez que vous avez été parachuté dans ce monde-là mais que vous avez un autre métier…


Oui ! Ce qui me rend plus à l’aise, c'est que je ne vis pas de ça, et encore moins pour ça. Donc si c’est mauvais, je disparais. Paradoxalement, ça m’offre un certain confort.


Il y a un an, on parlait de la peinture. Vous la gardez toujours pour votre sphère privée ?


Oui.


Ca vous vient d'où ?


Petit, mes parents m'avaient acheté ce gros bloc de papier avec deux crayons géants, je faisais des portraits, des caricatures. En classe, quand je m'ennuyais je dessinais. Donc je dessinais toute la journée! Là, je dessine.


Vous dessinez quoi ?


Un type mal dans ses pompes avec une moustache, à moitié chauve, et le regard très féminin.


Ca, c'est parce qu'on a parlé de cheveux tout à l'heure... Vous lisez quoi en ce moment ?


Le dernier Houellebecq, ce qui n'est pas original ! Ca ne me rend pas très heureux, ces pages. Je m'aperçois que je suis beaucoup trop romantique pour cette littérature. Les personnages ne s'aiment pas les uns les autres !


Votre humeur, là, maintenant...


Plutôt cool, détendu. Heureux d'avoir écrit mon truc pour vendredi et ma nouvelle pour l'Officiel. Je peux passer aux choses plus sérieuses !

C'est bon, vous êtes à jour, vous pouvez partir en week-end !

Non ! J'ai le film dont on a parlé et ma prochaine pièce qui est loin d’être aboutie !

Sur quoi la pièce ?

Ce sont des personnages qui se font passer pour d'autres, qui prennent de fausses identités. Le gardien d’une grande maison de vacances fait croire qu'il en est le propriétaire à une jeune touriste qui se fait passer pour une grande actrice alors qu'en fait c'est une paumée du village d’à côté. Ils se mentent tous entre eux, et à eux-même évidemment, ils ont envie d'être quelqu'un d'autre.

Ce sera avec qui ?

Théâtre et cinéma confondus, j'écris pour cinq personnes, Jean-Pierre Bacri, Catherine Frot, Jean Dujardin, Jérôme Kircher et Mélanie Laurent.