Pom Klementieff


Trois bonbons dans la main, un violet, un bleu, un argenté. Un dans la bouche, à la pomme. C'est ce qu'il reste de ces trois heures passées avec elle, la fille qui part au loin sur son scooter « bleu lumineux », morceau de ciel. Pom Klementieff.


Yeux de chat sur poupée russe, la jeune femme est par ordre de proportion Coréenne, Russe et Française. Dernièrement dans la série « Pigalle La Nuit » sur Canal Plus (elle incarne Sandra une stripteaseuse), révélation du film « Loup » de Nicolas Vanier, l'actrice est actuellement en répétitions de la pièce de théâtre de Federico García Lorca « La maison de Bernarda Alba. » Est-ce que son jeu au cinéma l'aide à nourrir son jeu sur les planches? Les deux jeux peuvent se compléter, l'un peut aider à gagner en assurance dans l'autre mais de très bons acteurs de cinéma le sont parfois nettement moins au théâtre et vice versa. Et de donner alors pour exemple de réussite dans les deux domaines Mélanie Thierry (ndlr César 2010 du meilleur espoir féminin) qu'elle a récemment trouvée fantastique dans la pièce « Babydoll » ; elle se rappelle son rire magnifique qui se déployait sur scène « J'avais envie de photographier son rire » murmure-t-elle du fond de sa poésie fantasque.
Pour son rôle au cinéma de Nastazia dans Loup, elle n'a pas eu besoin de s'immerger. « Je n'étais pas dans l'esprit « je suis Sibérienne et je ne mange que du renne », c'est avant tout moi, mes souvenirs et mon vécu que je transpose dans le rôle que j'interprète». Donc les meilleurs acteurs sont ceux qui ont le plus vécu? Elle acquiesce puis tempère qu'il est toujours possible pour l'acteur de réussir avec brio à recréer artificiellement une émotion qu'il n'a jamais vécue. La concernant ce sont certaines périodes graves de sa vie, ces instants où elle se sentait brisée, ensuite renforcée qui lui ont donné envie de monter sur scène, raconter ce qu'elle a vécu à travers des personnages - « parce que sinon ce serait indécent ». Sans être dans la souffrance, raconter ces choses de façon à les rendre plus lumineuses, une sorte de résiliation. En apportant à ses rôles sa respiration, ses nuances, Pom Klementieff les imprègne aussi de son instinct. Elle n'est pas une actrice aux émotions rigidement contrôlées, elle aime quand les choses lui échappent, « ces moments de vérité, ces moments qui twistent ». Les défis l'enchantent, c'est sa façon de se faire confiance et de faire confiance aux autres : ainsi avait-elle dit à Nicolas Vanier, le réalisateur de Loup, « j'adorerais nager avec le cheval » sur le ton du « même pas cap » des cours de récré … et ensuite s'était-elle retrouvée à le faire vraiment.

Silence. Il faudrait imprimer un silence entre chaque anecdote de la jeune femme tant sa spontanéité est réjouissante. Cette fraîcheur, elle en est consciente et elle s'échine à la préserver, garder ce souffle de vie même quand elle aura des rides plein les yeux. Protéger ce quelque chose précieux de l'enfance.

Ce qu'elle aime par ailleurs dans son métier c'est précisément cette faculté de faire des choses que l'on ne s'autoriserait pas dans la vraie vie. Comme son personnage de stripteaseuse dans la série Pigalle : la chorégraphie sur la barre avec des talons de dix-sept centimètres, le fantasme réalisé qu'elle évoque avec son petit rire enchanteur. C'est ce même plaisir qu'elle retrouve dans les scènes de violence, pour l'exutoire qu'elles permettent.

Actrice elle y a pensé très tôt, avec l'impression dès l'enfance de déjà être dans un film. Le personnage de sa propre vie, avec des scènes au ralenti. La double perte du père : la mort le soir de ses dix-huit ans de son oncle, son second père, la soudaine prise de conscience de vivre maintenant et de concrétiser ses rêves, son rêve de devenir actrice. Parce que « tout est possible quand on n'a plus de père". Ce sont ses manques qui l'ont fait avancer. Et puis l'inscription au cours Florent. La recherche de cette sensation de la salle noire avec la lumière braquée sur soi, cette lumière qui réchauffe, les yeux des autres sur soi, des yeux forcément bienveillants, ce pouvoir de dire et d'être écoutée, charmer, faire rire, pleurer et surtout émouvoir. Devant ces personnes inconnues mais aussi celles qu'elle connait, qu'elle aime, elle pense alors à sa grand-mère, son père, ceux qui ne sont pas là mais qui devraient être dans la salle. Et dans ces moments-là, « c'est comme si l'acteur traversait la vie et la mort en même temps, comme s'il était dans une autre dimension »

Pour trouver l'expression sur-mesure d'une émotion, l'actrice scrute les visages, essaie de reproduire les mouvements des sentiments, guette ces petits gestes imperceptibles qui permettent de toucher au plus près la justesse et qui ne sont jamais accessoires, évite le piège des attitudes parasites... « A chaque fois que je vis quelque chose, je me dis que ça pourra me servir plus tard pour un rôle ; c'est un peu vicieux en fait! ». Mais c'est aussi une façon pour la bouillonnante Pom Klementieff d'extraire de l'utile du moindre des événements qui la touchent même tristes ; son positivisme. Comme bon nombre d'acteurs, elle est excessive, sujette aux coups de tête de dernière minute, tout en s'efforçant de rester raisonnable - le glaçon dans le thé. Un exemple évocateur : sur le passage piéton, Pom court quand le petit bonhomme est rouge et les voitures prêtes à démarrer, et vous nargue arrivée de l'autre côté de la route...

Filmographie :

Après lui de Gael Morel
Sans armes ni haine ni violence de Jean Paul Rouve
Pigalle La Nuit de Hevré Hadmar et Marc Herpoux
Loup de Nicolas Vanier

Crédit photo : Nathalie Malric

1 commentaire: